Le droit à l’IVG dans la Constitution 

Le Sénat a adopté à une très large majorité mercredi 28 février la constitutionnalisation du droit à l’IVG et en Congrès (Assemblée nationale et Sénat réunis), ce 4 mars, l’inscription dans la Constitution a été votée à une très large majorité par 780 voix, 72 contre et 50 abstentions. 

Le texte est simple et rajoute un 17ème alinéa à l’article 34 de la Constitution ainsi rédigé : 

“ la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse”. 

Ces votes ont été accueillis avec enthousiasme par nombre de mes collègues et nos concitoyens avaient exprimé leur large approbation dans tous les sondages. Je n’ai pas la même analyse et la partage avec vous .Ce vote ne change rien pour la protection de l’IVG et a un effet négatif sur notre Constitution.

1 Le droit à l’IVG est le droit applicable dans notre pays. La loi Veil est admise par tous. Aucun parti politique représenté au Parlement n’a remis en cause le droit à l’IVG.

Mieux , celui-ci a reçu une reconnaissance constitutionnelle par une décision du Conseil Constitutionnel de 2001. 

2 L’émotion est venue de la décision de la Cour suprême des États-Unis qui a mis fin à la protection de l’IVG au niveau fédéral et laissé aux différents États constitutifs des États-Unis d’Amérique le soin de déterminer leur propre législation. Nous ne sommes pas les États-Unis. La Cour Suprême des États-Unis n’est pas notre nouveau Conseil Constitutionnel et je conteste l’idée que notre pays doive répondre à des questions qui ne se posent pas chez nous mais aux États-Unis. 

Je le crois d’autant plus déraisonnable qu’encore une fois le droit à l’IVG avait déjà une valeur constitutionnelle dans notre pays et était protégé.

3 Mes collègues en particulier femmes répondent que certes cela ne change pour notre pays mais que c’est un symbole ! La Constitution regroupe nos règles institutionnelles essentielles et je ne crois pas que nous gagnerons à en faire le rassemblement de symboles. 

4 En expliquant à nos concitoyens qu’un droit n’existe vraiment que s’il est dans la Constitution, nous pouvons nous préparer à un long catalogue d’inscriptions dans celle-ci. Il y a bien sûr beaucoup d’autres droits qui pourront dans ces conditions faire l’objet de demandes de constitutionnalisation, même s’ils sont en réalité déjà protégés, toujours au nom de l’importance des symboles. 

5 Je sais bien que mon propos est difficilement audible dans des temps où la communication prime sur le fond mais ai la faiblesse de m’intéresser à la Constitution. 

Depuis cette année, la Constitution de la Vème République est la règle constitutionnelle ayant eu la durée la plus longue de notre Histoire républicaine. C’est un socle extrêmement solide pour nous. Elle traite de nos règles de base, de l’articulation des pouvoirs, du statut de la République, de nos territoires…Elle n’est pas en effet un code rassemblant des dispositions sociétales à l’exemple du code civil ou du code du travail.

Il est exact qu’un certain nombre de droits y figurent également mais jusque-là personne ne les avait hiérarchisés.

Pour la première fois, chacun pourra le vérifier, est inscrit un droit dit “garanti”. Aucun autre droit n’était à ce jour “garanti” ce qui , si les mots ont un sens , signifient que les autres ne le sont pas! La Constitution est un tout et le fait d’introduire une hiérarchie dans les droits , ce qui n’avait jamais été envisagé en 1958, ni depuis, entraîne un risque de dérèglement de nos mécanismes. 

Le Conseil Constitutionnel va devoir arbitrer dans l’avenir non seulement l’application de la Constitution mais également traiter d’une hiérarchie au sein de la Constitution. 

Personnellement, je considère que la Constitution doit être modifiée le moins possible, qu’elle est amenée à arbitrer nos sujets institutionnels les plus forts et qu’en bref, le recours à la révision de la Constitution doit être un fait exceptionnel. 

L’inscription dans la Constitution du droit à l’Ivg a été une avancée symbolique pour les droits des femmes , j’en conviens et ne me suis pas opposé à cette constitutionnalisation sans partager l’idée que ce soit positif pour notre Constitution. 

Vous connaissez ainsi les motifs de mon abstention.

Et pour marquer l’importance des droits des femmes, je vous invite à une réunion le 8 avril qui vous est présentée en tête de cette lettre !

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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