Après huit ans d’engagement de la France au Sahel et quelques jours avant le G5 Sahel, les sénateurs ont pu débattre, à leur demande, du bilan et des perspectives de l’opération militaire « Barkhane » avec les ministres en charge des opérations (Florence Parly, la ministre des Armées, et Jean-Yves Le Drian, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères).
Le débat ayant pour objectif d’éclaircir la stratégie de la France dans la zone malienne, est intervenu quelques jours en amont du G5 Sahel à N’Djamena au Tchad.
Le G5 Sahel regroupe cinq pays de la bande sahélo-saharienne ; le Burkina-Faso, le Mali, le Niger, La Mauritanie et le Tchad.
Créé en 2014 à l’initiative des chefs d’Etat de la région, le G5 Sahel est un cadre institutionnel de suivi de la coopération régionale, destiné à coordonner les politiques de développement et de sécurité de ses membres.
Le 2 juillet 2017, les chefs d’Etat du G5 Sahel ont officiellement annoncé la mise en place d’une force conjointe. Elle est constituée d’environ 5000 hommes et est destinée à coordonner, sur le frontières, la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, en vue de créer un environnement favorable au développement socio-économique de la région.
L’opération Barkhane en chiffres
- L’opération Barkhane est lancée le 1er août 2014 et s’inscrit dans la continuité de l’opération Serval.
- 5 100 militaires français sont déployés sur les différents théâtres d’opération de la bande sahélo-saharienne, après l’envoi en février de 600 soldats supplémentaires.
- 5000 hommes de la force conjointe du G5 Sahel (5 nationalités) sont également déployés.
- Entre 6000 et 6500 européens vivent au Mali, dont 5000 français, essentiellement à Bamako.
- Depuis 2013, année de l’opération Serval, 55 soldats français sont morts.
- Début janvier 2021, on dénombre 50 soldats français tués lors de l’opération Barkane.
- On estime à un millier, le nombre de djihadistes neutralisés par les différentes opérations militaires en 2020 (dont 40% via des drones).
Objectifs
L’action de la France au Sahel poursuit trois objectifs :
- lutter contre les groupes armés terroristes, particulièrement dans la zone des trois frontières,
- accompagner et renforcer les capacités des forces armées du G5 Sahel
- appuyer les forces internationales
- agir au profit des populations avec des actions civilo-militaires et des aides médicales à la population.
« La résolution de crise sera politique »
Lors des débats, Jean-Yves Le Drian a affirmé que la résolution de cette crise « sera obligatoirement politique ».
« La clé du succès c’est la mise en œuvre d’une approche globale et intégrée de la crise », a-t-il expliqué.
Au sujet de l’action au profit des populations, le Ministre s’est félicité de « la scolarisation de plus de 200 000 jeunes nigériens, la réhabilitation de plus de 1800 classes au Mali […] se battre pour l’éducation c’est aussi se battre contre l’obscurantisme, c’est aussi une manière de se battre contre le terrorisme » a-t-il appuyé.
Pour Jean-Yves Le Drian, le prochain sommet du G5 Sahel à N’Djamena au Tchad, « doit être celui du sursaut diplomatique, du sursaut politique et du sursaut du développement afin de consolider les résultats des derniers mois ».
Le chef de la diplomatie a par ailleurs souligné la nécessité de « renforcer la coordination entre les pays du G5 Sahel et les pays riverains du Golfe de Guinée, afin d’enrayer l’extension de la menace terroriste vers leurs territoires ».
Il a aussi suggéré une plus forte coopération avec l’Algérie et le Maroc, et la prise en compte de la question libyenne.
Sur l’aspect politique, Jean-Yves Le Drian a ainsi souligné son attachement aux accords d’Alger de 2015 sur la paix au Mali. « Le problème, c’est que jamais il n’y a eu derrière de volonté politique de le faire aboutir », a-t-il regretté.
Pas de désengagement massif de l’armée française au Sahel
Si le Président de la République avait laissé entrevoir des ajustements, Florence Parly a exclu un désengagement massif des troupes françaises. « Barkhane n’est pas éternelle. À court terme, nous allons rester, ce qui n’exclut pas que les modalités de notre intervention évoluent », a-t-elle expliqué.
Quels résultats ?
« Daech au Sahel est fortement entravé même s’il conserve encore une capacité de régénération importante […] Il convient de noter que depuis janvier 2020 plus aucune attaque d’ampleur n’a été commise. Nous avons neutralisé le numéro un d’Al-Qaida dans la région et un certain nombre de ses cadres », a affirmé Florence Parly.
Aujourd’hui, deux grandes entités terroristes sont présentes au Mali. A l’est du pays, dans la région des « trois frontières », une première entité obéit à l’Etat islamique. Elle s’est appelée l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS). C’est contre cette entité que les opérations armées se concentrent depuis le sommet de Pau.
Sur le plan militaire, les récentes opérations ont porté leurs fruits. Alors que l’EIGS était capable, encore en 2019, de mener des opérations de grandes envergures, il est désormais affaibli.
Mais en parallèle, la deuxième entité présente au Mali, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM, Jnim en arabe), groupe djihadiste affilié à Al-Qaïda, est montée en puissance. Le groupe, placé sous l’autorité de Iyad Ag Ghali, un chef touareg présent au Mali depuis le début des années quatre-vingt-dix, a gagné en influence et en maîtrise territoriale ces derniers mois.