Un sujet est souvent évoqué dans les discussions que je peux avoir téléphoniquement avec les élus locaux : la question de leur responsabilité.
Réouvrir les écoles au 11 mai est un premier sujet sur lequel les maires ou les adjoints délégués se posent la question de leur responsabilité. Suivant qu’une commune peut ou non fournir des masques, conformes ou qui s’avèreraient ultérieurement non conformes, la question de la responsabilité est posée.
Lorsqu’une commune distribue des masques réalisés dans sa salle des fêtes par une couturière locale ou le club du troisième âge, se pose le même sujet de responsabilité.
Les syndicats d’enseignants posent aussi la question pour les directeurs d’école et ce sujet concerne également le chef d’entreprise qui demande de reprendre tel ou tel chantier, y compris avec la présence d’apprentis.
Est-ce qu’il est possible dans cette période d’état d’urgence sanitaire ou de mise en œuvre du plan de déconfinement, d’atténuer ou de suspendre la responsabilité des maires ? J’ai essayé de regarder cette question dont le Gouvernement est conscient.
Deux obstacles: l’un est politique, l’autre juridique
Le problème politique est très simple : toute atténuation de responsabilité pour les élus sera vue comme l’organisation d’une impunité.
Certes elle concernerait chacun dans son métier ou mandat, du directeur d’école au chef d’entreprise en passant par le maire qui participent à la mise en œuvre du déconfinement mais nous serions toujours dans un régime d’irresponsabilité aux yeux d’une partie de nos concitoyens.
Il nous sera répondu que dans une période de crise sanitaire, la responsabilité est au cœur d’une politique de santé pour tous.
Mais il y aussi des obstacles juridiques. Il existe un objectif constitutionnel dit de répression des infractions. Dans un État « moderne », les institutions doivent assurer la protection du citoyen et garantir la répression des infractions commises.
De même, le principe d’égalité résultant de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme interdit de traiter en matière de responsabilité telle ou telle partie de nos concitoyens y compris les élus, différemment des autres.
C’est ce qui avait pesé fortement lorsque le Parlement avait essayé de réduire la responsabilité des élus en 2000 dans le cadre de ce qu’il avait été appelé la loi Fauchon.
La responsabilité pénale peut être difficilement à éclipses.
Est-ce qu’il existe une solution ?
Regardons l’article 121- 3 du Code Pénal. Pour tous les dommages dits indirects, nous avons deux sous- parties suivant qu’il s’agit d’un manquement à la loi ou au règlement ou encore d’une faute caractérisée ou encore délibérée.
Par définition, toutes les personnes qui auront vocation à appliquer le déconfinement ne sont pas concernées par une violation de la loi ou du règlement puisque l’idée est justement de préserver les personnes qui vont mettre en œuvre le plan de l’exécutif ou la loi éventuelle.
Tout notre débat est de savoir s’il pourrait y avoir une faute caractérisée lorsqu’un responsable public ou privé met en œuvre le déconfinement, contrairement aux recommandations par exemple du comité scientifique. Cette question peut se poser pour la réouverture des écoles le 11 mai, réouverture sur laquelle le comité scientifique a exprimé son désaccord.
Il est probable que les tribunaux feront une application assez restrictive de la faute caractérisée, dans une période exceptionnelle.
Si l’appel à l’intelligence de nos magistrats n’est pas suffisant, quelle peut être l’intervention du législateur ?
La solution consisterait à s’appuyer sur des principes constitutionnels soit de valeur supérieure , soit de valeur équivalente à ceux cités plus haut pour permettre pendant une période à déterminer, la période du déconfinement, d’assouplir le dispositif et la responsabilité en particulier des élus locaux.
Dans le cadre du déconfinement, je vois 3 principes constitutionnels pouvant être mis en avant au regard en sens inverse de l’obligation de répression des infractions et du principe d’égalité :
- La liberté d’entreprendre
- Le principe d’égalité au sens ou la réouverture de l’école est destinée à permettre d’éviter l’accroissement des inégalités liées aux situations sociales, aux connaissances culturelles des familles etc,
- Le principe constitutionnel portant obligation d’éduquer, d’enseigner.
J’essaye de tester actuellement auprès de la commission des lois et du gouvernement l’idée d’un assouplissement général de responsabilité pendant la période de l’état d’urgence sur la base d’un texte qui pourrait être le suivant : « les décisions individuelles portant mise en demeure du plan de déconfinement dans le cadre de la crise sanitaire du Covid 19 ne sauraient être constitutives d’une faute caractérisée au sens du 4ème alinéa de l’article 121-3 du Code Pénal. »
Je ne suis pas du tout sûr d’aboutir mais tenais, en toute transparence, à rendre compte du travail réalisé .