Liberté de choisir son avenir professionnel : Entretien avec Catherine Fournier

Catherine Fournier, Sénatrice du Pas-de-Calais et Conseillère Régionale des Hauts-de-France mais surtout co-rapporteure au Sénat du projet de loi « Liberté de choisir son avenir professionnel » a répondu à mes questions.

Parmi les objectifs de ce projet de loi, il y a la volonté de donner plus de droit aux personnes pour leur permettre de choisir leur vie professionnelle et de renforcer l’investissement des entreprises dans les compétences des salariés. Quelles sont les grandes mesures du projet de loi pour atteindre cet objectif ?

Il y a d’abord un plan d’investissement dans les compétences, doté de 15 milliards d’euros sur cinq ans qui va permettre de former et d’accompagner un million de jeunes décrocheurs et un million de demandeurs d’emploi à l’horizon 2022.
Nous souhaitons qu’il se réalise au travers d’un partenariat avec les régions et des actions innovantes, notamment dans le secteur du numérique, la transition écologique, les métiers en tension et l’inclusion dans l’emploi des plus vulnérables.
Le texte prévoit aussi que les jeunes auront aussi la possibilité d’entrer tout au long de l’année en apprentissage, de faire valoir leurs acquis pour raccourcir la durée de la formation ou, au contraire, en cas de difficulté, d’allonger la durée du contrat avec une « prépa apprentissage », leur permettant de renforcer leurs acquis, leur savoir-être professionnel et leur connaissance des métiers.

Quelle est la place accordée aux Régions dans la gestion de la formation professionnelle et de l’apprentissage ?

Notre objectif premier a été de renforcer le rôle des régions en matière d’apprentissage tout en approuvant les nouvelles missions confiées aux branches professionnelles.
Le pilote c’est l’Etat. Mais nous avons souhaité inscrire dans la loi le principe de compétences partagées entre les régions et les branches professionnelles pour que la Région soit dans la co-construction avec l’Etat. La région détient en effet la compétence du développement économique et une parfaite maitrise des besoins de son tissu économique. Elles doivent être garantes de l’équité des territoires. Cela peut se faire via les conseillers en évolution ou les commissions paritaires interprofessionnelles régionales.
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité que les régions élaborent une stratégie pluriannuelle des formations en alternance, et qu’elles puissent conclure des conventions d’objectifs et de moyens avec les centres de formation d’apprentis qu’elles soutiendront au titre de l’aménagement du territoire.
Les régions seraient chargées de mettre en place :
– un Plan de formation pluriannuel par alternance pris en compte par les branches professionnelles
– des conventions pluriannuelles avec les CFA, de manière a soutenir aménagement du territoire et l’investissement local.
Le sénat demande à ce qu’elles puissent créer avec l’État un comité régional de l’orientation, chargé de coordonner les interventions des organismes participant au service public régional de l’orientation. Elles disposeront en outre d’au moins vingt heures par an prises sur le temps scolaire pour réaliser des actions d’information sur les professions et les formations dans toutes les classes de quatrième et de troisième.

La monétisation du compte personnel de formation est un élément important du texte. Pouvez-vous y revenir ?

Lors des auditions, nous avons remarqué qu’il y avait une dépréciation des droits du salarié ou de l’actif en termes de monétisation par rapport aux heures dévolues, autrement dit, une perte de capitalisation au niveau du CPF.
Malgré nos doutes sur l’efficacité de la monétisation du CPF, nous ne nous sommes pas opposés à cette réforme qui est pourtant,, unanimement rejetée par les acteurs concernés. Afin de limiter ses effets pervers, nous avons créé une période de transition pour la conversion en euros et prévu des règles d’actualisation régulière des droits acquis. C’est le sens de la clause de revoyure sur l’évaluation des 500 euros de CPF normalisé tous les ans au lieu de tous les trois ans. Nous avons également encouragé une réelle co-construction des parcours de formation en permettant par accord d’entreprise de définir les formations pour lesquelles l’employeur s’engage à abonder le CPF de ses salariés.

Concernant le handicap, qu’a fait le Sénat?

L’idée du gouvernement était d’inciter plus fortement les entreprises à embaucher directement des personnes handicapées. Nous avons voulu aller plus loin pour sécuriser le parcours des personnes lourdement handicapées afin que cela soit sécurisé au niveau financier ou juridique pour « emplois adaptés ». Nous avons analysé les différences entre le secteur privé et le secteur public pour tendre à un système d’organisation globalement identique.
Concernant les travailleurs handicapés, nous nous sommes montrés attentifs à ce que leurs parcours professionnels soient aussi fluides que possible entre milieu protégé et milieu adapté ou milieu dit « classique ».

S’agissant de l’assurance chômage, le Sénat a revu vu le dispositif proposé par le gouvernement selon lequel un salarié ayant cotisé au moins cinq ans au régime d’assurance chômage pourrait bénéficier de la nouvelle allocation ouverte aux démissionnaires. Avec le texte du Sénat, les salariés auront besoin de sept ans d’ancienneté pour en bénéficier. Pourquoi?

Le projet de loi ne présentait aucune évaluation concernant cette mesure. Notre objectif, a été d’amortir le coût de la mesure. Par ailleurs, le changement de carrière doit s’opérer après une période professionnelle assez conséquente, qui permette une certaine maturité professionnelle. C’est le sens de cet allongement.
Enfin, la commission a aussi prévu de renforcer la logique des droits et des devoirs du demandeur d’emploi.

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