Perturbateurs endocriniens : le Sénat se mobilise

Le Sénat suit de près le sujet des perturbateurs endocriniens, dont vous avez certainement tous récemment entendu parler. Il s’agit d’un sujet national, européen et international.

La Commission européenne a proposé en juin 2016 trois critères permettant d’interdire la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques et biocides contenant des substances reconnues comme perturbateurs endocriniens.

Mardi 28 février, la Commission a renoncé pour la 3ème fois à proposer cette nouvelle réglementation au vote des États-membres, plusieurs pays dont la France la jugeant insuffisante.

Chargés de se prononcer sur la pertinence de ces 3 critères, de nous présenter les enjeux et leurs recommandations au Gouvernement, mes collègues Patricia Schillinger et Alain Vasselle ont récemment présenté à notre commission des affaires européennes leur rapport d’information intitulé « Les perturbateurs endocriniens : un enjeu de santé publique« , consultable ici, accompagné d’une résolution européenne qui devra être discutée en séance publique (consultable ici)

Le Sénat a également abordé ce sujet en séance publique, mercredi 22 février, en adoptant une proposition de résolution « visant à renforcer la lutte contre l’exposition aux perturbateurs endocriniens« .

Que désignent les perturbateurs endocriniens ?

Les perturbateurs endocriniens (ci-après « PE »), dont les effets n’ont été mis en évidence que depuis les années 60, désignent un ensemble de substances nocives (à l’image du bisphénol A)  ou de mélanges exogènes qui modifient le fonctionnement du système endocrinien et provoquent des effets sanitaires nocifs dans un organisme intact et sa descendance.

Les femmes enceintes y sont particulièrement sensibles.

L’omniprésence des PE dans notre quotidien

Dans un rapport publié le 7 décembre 2016, l’agence Santé publique France établissait l’omniprésence des PE dans notre quotidien : on en trouve trace, à dose plus ou moins forte, dans l’alimentation, les plastiques, les produits chimiques utilisés en agriculture conventionnelle, les produits pharmaceutiques, les cosmétiques, les produits d’entretien, les emballages, ..

En résumé, l’exposition aux PE est permanente.

Les caractéristiques inquiétantes des PE

À la différence des substances toxiques « classiques », dont « la dose fait le poison » (permettant ainsi de définir une dose en-deçà de laquelle aucun effet toxique n’est observable), pour les PE c’est l’exposition qui fait le poison.

Le coût financier colossal des PE

Au-delà des effets sanitaires désastreux, l’exposition aux PE a un coût financier gigantesque. Quelques chiffres : le coût annuel des effets directs et indirects à l’exposition aux PE a été évalué à 45 milliards d’€ en France, 308 milliards d’€ aux États-Unis et pourrait atteindre au minimum 197 milliards d’€ en Europe.

Une réglementation européenne qui avance « à tâtons » et montrée du doigt

La définition des PE par la Commission européenne est attendue depuis une première mobilisation sur le sujet : l’adoption, en 1999, d’une stratégie communautaire sur les perturbateurs endocriniens.

Selon la règlementation européenne,  une substance reconnue comme « perturbateur endocrinien » est en théorie interdite dans les produits phytopharmaceutiques (produits chimiques utilisés pour soigner ou prévenir les maladies des organismes végétaux) et les produits biocides (désinfectants, produits de protection, lutte contre les nuisibles, …) mis sur le marché.

Pour rendre applicable cette interdiction, la Commission européenne doit déterminer les critères scientifiques permettant d’identifier ce qu’est un perturbateur endocrinien.

Quels sont les 3 critères proposés par la Commission européenne ?

La Commission européenne propose que soit identifiée comme PE une substance :

  • qui montre des effets indésirables sur un organisme sain ou sa progéniture
  • qui altère le fonctionnement du système endocrinien
  • et dont les effets indésirables sont une conséquence du mode d’action endocrinien.

Selon mes collègues, les caractéristiques particulières des PE et le caractère récent des recherches menées sur le sujet ne permettent pas en l’état de valider ces 3 critères proposés par la Commission européenne.

Ce que propose la Commission des affaires européennes du Sénat

En vertu du rôle qui est le sien, notre commission des affaires européennes propose au Gouvernement :

  • de définir des critères d’identification des PE au bénéfice d’autres produits que les produits phytopharmaceutiques et les biocides (cosmétiques, emballages plastiques, …) en raison de l’omniprésence des PE dans les produits du quotidien…
  • de pouvoir identifier un PE en s’appuyant sur des études reconnues par la communauté scientifique, indépendamment de leur reconnaissance internationale. Cela aurait sinon pour effet de retarder l’interdiction de commercialisation de produits contenant des PE scientifiquement identifiés…
  • de faire des PE un axe majeur de la recherche européenne, et parallèlement d’encourager la création d’un groupe international de scientifiques indépendants et de haut niveau en mesure de fournir une information objective sur ce sujet ;
  • de s’opposer à toute modification du cadre réglementaire de l’utilisation de substances reconnues comme PE dans les produits phytopharmaceutiques ; La Commission européenne propose en effet une dérogation dès lors que l’exposition à ces substances est « négligeable »…
  • de s’opposer à la mise sur le marché de substances dont le mode d’action est précisément de perturber le système endocrinien des organismes nuisibles, alors que la Commission Européenne propose de déroger à cette obligation dès lors que l’effet néfaste pour les êtres humains n’est pas avéré

Ce sujet montre une nouvelle fois le paradoxe de notre relation à l’Europe. La Commission européenne se voit reprocher de définir des normes ou des interdictions.

Comme vous avez pu le lire, ce sont très clairement les pays, et en particulier le nôtre, qui demandent à l’Europe de réglementer et d’interdire. Des exemples comme celui-ci, il y en a des dizaines…

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture