La crise agricole

Nous avons vu la colère du monde paysan monter d’année en année.

C’est une crise qui obéit à de nombreux motifs techniques, mais d’abord à une question principale : quel est le sens du métier d’agriculteur ou de paysan aujourd’hui ?

Force est de constater que les agriculteurs sont victimes d’injonctions dites contradictoires, comme on en retrouve dans de nombreux autres domaines mais qui sont particulièrement fortes entre les contraintes environnementales, administratives, une concurrence qui apparaît comme déloyale, une incompréhension totale de planification écologique reposant sur une diminution du cheptel, des griefs permanents dans une société dont nos agriculteurs se sentent sinon exclus du moins dans laquelle ils se perçoivent comme incompris.

Chaque fois qu’une image est associée à celle d’un agriculteur, ce sera celle de son tracteur ou d’un pulvérisateur, très rarement une image positive. Tout n’est pas qu’une question technique dans la vie et le sens d’un métier reste heureusement essentiel. C’est sur ce point que se cristallise la crise agricole et c’est sur ce point que le gouvernement peine à l’évidence à trouver des solutions.

Les éléments pour une solution sont en place avec une profession qui a une tradition de raison, des syndicats agricoles qui connaissent les limites entre le volet revendicatif et le sens des responsabilités. J’ai écouté les annonces du Premier ministre faites en Haute-Garonne, au milieu des agriculteurs sur le barrage du Sequestre.

Les réactions m’ont frappé par leur neutralité : ni  approbation, ni protestation, une audition désabusée peinant à voir les solutions proposées à l’exception bien sûr du remboursement sur le GNR et de la suppression de la trajectoire d’augmentation du coût de ce carburant.

Le fait de placer l’Office Français de la Biodiversité sous l’autorité des Préfets dans les départements me paraît une excellente chose, et j’espère que cela sera un jour le cas aussi pour les ARS, tant la politique de fractionnement de l’action publique à travers des agences nous a fait perdre collectivement en efficacité, en légitimité, en compréhension.

La suppression des jachères me semble également pertinente. C’est en fait une ambition qui est attendue pour l’agriculture. Quand je vois que la moitié de la consommation des français en viande et en légumes est assurée par des produits étrangers, quand les importations de viande ont été multipliées par 4 en France, quand 30 à 40% du porc ou de la volaille consommés dans notre pays sont également importés, quand la production ovine ne couvre plus que la moitié de notre consommation, dans un pays qui dispose de toutes les conditions climatiques, sans même faire référence aux Outre-Mer, force est de constater qu’il y a un gâchis.

C’est un gâchis en terme de souveraineté alimentaire nationale mais tout simplement un gâchis en terme de productivité agricole.

Je ne me permettrai pas d’opposer agriculture et environnement. Par contre, je persiste et signe quant au fait que l’écologie est aujourd’hui brandie au soutien d’une société de décroissance.

Si la décroissance peut apparaître comme un élément sympathique pour certains à titre individuel, c’est une catastrophe pour une société au sens collectif.

Dans un pays comme le nôtre, qui a un déficit de 140 milliards d’euros par an, et un endettement qui a franchi les 3000 milliards, notre modèle social ne pourra être maintenu que si nous sommes capables de créer suffisamment de richesses en commun.

Et l’agriculture est à l’évidence une source de richesses pour notre pays et non pas une charge. La crise agricole se résoudra quand nos agriculteurs auront de nouveau le sentiment qu’il leur est demandé de faire leur métier, comme ils savent le faire et sans vouloir le leur apprendre. Ils retrouveront le sens de leur métier, quand ils pourront stocker l’eau qui tombe à l’excès l’hiver et sécuriser l’été leurs cultures ou l’alimentation de leurs élevages.

La crise pourra également s’arrêter quand il y aura une forme d’équité économique dans la formation des prix.

Si les lois Egalim sont une bonne chose, force est de constater qu’elles ont été contournées, les grands distributeurs ayant constitué des centrales d’achat à l’étranger à l’exemple d’Eurelec pour les centres Leclerc en Belgique ou d’Eureca pour le groupe Carrefour en Espagne.

Je veux espérer que les développements de ces derniers jours, probablement le programme proposé dans le cadre du discours de politique générale, pourront redonner ce souffle souhaitable à notre agriculture.

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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