Un des signes le plus manifeste du déséquilibre de nos institutions résultant de la présidentialisation extrême de notre système et a contrario de l’affaiblissement du Parlement trouve son paroxysme dans le mécanisme des ordonnances.
L’article 38 de la Constitution permet à l’exécutif de se faire habiliter par le Parlement aux fins de prendre par voie d’ordonnance des dispositions de nature législative.
Cette situation pouvait se comprendre pour des mesures d’urgence ou pour des sujets strictement techniques sur lesquels il serait de peu d’intérêt de mobiliser des heures et des heures de séance du Parlement.
Sauf que dans la pratique, les Gouvernements ont largement abusé.
Sur le quinquennat 2017-2022, le nombre d’ordonnances a été supérieur au nombre de lois.
Compte tenu de l’automaticité liée du vote de l’Assemblée par rapport aux demandes de l’exécutif, je ne peux faire mieux que de mettre à votre disposition le bilan des ordonnances prises lors du quinquennat de 2017 à 2022.
Vous y verrez que le Parlement a accordé 369 habilitations, qu’il y a eu 338 ordonnances publiées.
Normalement ces ordonnances une fois prises doivent être soumises dans un deuxième temps au Parlement : c’est ce qui est appelé la ratification.
A partir de la ratification l’ordonnance prend sa valeur complètement législative et avant ratification elle a une valeur réglementaire.
Mais le Conseil Constitutionnel pour des motifs liés aux Questions Prioritaires de Constitutionnalité a donné une analyse différente et a considéré que les ordonnances avaient une valeur législative dès qu’elles étaient intervenues.
Vous verrez ainsi que si 338 ordonnances ont été publiées, seules 71 ont été ratifiées.
En résumé les ordonnances deviennent la modalité la plus importante de fabrication de la loi par le Gouvernement lui-même et à peine une ordonnance sur cinq est soumise au Parlement pour ratification.
C’est ce déséquilibre de nos institutions à l’encontre duquel je ne cesse de m’élever.