Médiator, LuxLeaks, Facebook Files… Depuis la loi dite « Sapin 2 » de 2016, les lanceurs d’alerte bénéficient d’un statut protecteur contre les risques encourus par leurs révélations. Une proposition de loi visant à améliorer leur protection a été adopté définitivement.
La proposition de loi qui vient d’être adoptée suite à un accord en Commission mixte paritaire transpose une directive européenne du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union et va même plus loin. Elle modifie le dispositif général de protection des lanceurs d’alerte instauré par la loi dite « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 et tend à corriger certaines de ses limites mises en évidence par un récent rapport sur l’évaluation de l’impact de la loi.
Nouvelle définition des lanceurs d’alerte
La proposition de loi définit le lanceur d’alerte comme une « personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi », des « informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international […], du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ».
Protéger l’entourage des lanceurs d’alerte
La loi « Sapin 2 » ne prévoyait rien sur l’entourage du lanceur alerte. La proposition de loi, elle, étend certaines protections offertes aux lanceurs d’alerte, notamment la protection contre les représailles, aux personnes physiques et aux personnes morales à but non lucratif (syndicats et associations) qui sont en lien avec le lanceur d’alerte : facilitateurs qui aident à effectuer le signalement ou la divulgation, collègues, proches… Le Sénat avait limité le bénéfice du statut facilitateurs aux seules personnes physiques.
Faciliter le recours aux canaux de signalement
La PPL simplifie les canaux dont dispose le lanceur d’alerte pour signaler des faits, s’il veut bénéficier d’une protection.
La loi Sapin II prévoyait une procédure en trois étapes :
- d’abord obligatoirement un signalement interne par l’intéressé dans son entreprise ou son administration ;
- ensuite en l’absence de traitement, un signalement externe (à l’autorité administrative ou judiciaire ou à un ordre professionnel) ;
- et en dernier recours une divulgation publique.
La proposition de loi prévoit que le lanceur d’alerte pourra choisir entre le signalement interne et le signalement externe à l’autorité compétente, au Défenseur des droits, à la justice ou à un organe européen.
Les communes et leurs établissements publics pourront confier à leur centre de gestion, le recueil et le traitement des signalements internes, tandis que dans les entreprises, la procédure pourra être gérée au sein d’un groupe
Conditions de divulgation publique des informations
Après accord trouvé entre les parlementaires, la divulgation publique d’informations par le lanceur d’alerte pourra intervenir en cas :
- d’absence de traitement à la suite d’un signalement externe dans un certain délai ;
- ou de risque de représailles ou si le signalement n’a aucune chance d’aboutir ;
- ou de « danger grave et imminent » ou, pour les informations obtenues dans un cadre professionnel, en cas de « danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général ».
Dans les cas de signalement ou de divulgation publique anonyme, un amendement d’origine sénatoriale permet aux personnes ayant vu leur identité révélée, comme les journalistes, d’obtenir le statut de lanceur d’alerte. Cet amendement renforce, conformément à la directive de 2019, la protection des sources.
Renforcement de l’irresponsabilité pénale du lanceur d’alerte
La proposition de loi complète la liste des représailles interdites (intimidation, atteinte à la réputation notamment sur les réseaux sociaux, orientation abusive vers des soins, inscription sur une liste noire…).
L‘irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte est renforcée et ne s’étendra pas aux infractions pénales commises pour l’obtention illicite d’informations dont il a eu connaissance de manière licite et qu’il signale ou divulgue dans les conditions de la loi.
Le texte entend également limiter le coût financier, parfois considérable, des procédures que doivent engager les lanceurs d’alerte. En début de procès, le juge pourra accorder une provision pour frais de justice au lanceur d’alerte quiconteste une mesure de représailles ou une procédure « bâillon » à son encontre (comme une plainte pour diffamation destinée à intimider et réduire au silence le lanceur d’alerte).
Le juge pourra allouer une provision supplémentaire au lanceur d’alerte dont la situation financière s’est gravement dégradée. Il pourra rendre ces provisions définitives à tout moment, c’est-à-dire même si le lanceur d’alerte perd son procès.
Les sanctions à l’encontre d’actes de représailles ou d’intimidation sont renforcées. L’amende civile encourue en cas de procédure « bâillon » contre un lanceur d’alerte est portée 60 000 euros.
Enfin, les lanceurs d’alerte pourront bénéficier de mesures de soutien psychologique et financier par les autorités externes, qu’elles aient été saisies directement ou via le Défenseur des droits.
Le Sénat a enfin aligné la protection des militaires lanceurs d’alerte sur celle des fonctionnaires civils.