Le 1er décembre, à l’initiative de mon groupe politique, le Sénat a désigné 23 membres pour siéger au sein de la mission d’information sur « la judiciarisation de la vie publique ». J’aurais la responsabilité de conduire un rapport qui sera établi à priori au mois de mars. L’essentiel des travaux porte sur les relations entre le pouvoir législatif et l’institution judiciaire dans la fabrication de la norme, notamment au niveau européen avec l’épineuse question de la primauté du droit européen sur le droit national.
Primauté du droit européen sur le droit national ?
Avec cette mission, il est question de se pencher sur la question de la subsidiarité des normes nationales vis-à-vis des normes européennes. Les débats entre le droit européen et le droit national sont des enjeux majeurs. Ils nourrissent de fortes tensions en Europe.
En témoignent la récente décision de Cour constitutionnelle polonaise de rejeter une partie de la Convention européenne des droits de l’homme, jugée incompatible avec la Constitution du pays ou la décision de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe de rejeter le programme de rachat de dettes publiques lancé face à la crise sanitaire. Cette dernière remettait ainsi en cause le droit de la Banque centrale européenne et le principe de primauté du droit européen sur le droit national.
Réguler la création de la norme entre le pouvoir législatif et judiciaire
L’évolution de la fabrication de la norme en France sera aussi au coeur des travaux. L’institution judiciaire n’est pas simplement l’interprète du droit. Elle crée la norme et de ce fait crée un sujet sur la place du Parlement.
Ça pose une question de légitimité. Nous voulons examiner les conditions qui nous permettraient d’avoir un meilleur dialogue entre la société et les juges et entre les juges et les parlementaires.
A titre d’exemple, le Sénat a adopté cette année une loi permettant aux personnes placées en détention de faire respecter le droit à être incarcéré dans des conditions dignes. Ce texte tire son origine d’une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme qui avait condamné la France en raison de conditions de détention dégradantes et inhumaines, et pour l’absence de recours effectifs à même de prévenir ou de faire cesser ces atteintes en droit interne.
Par la suite, la Cour de Cassation avait donné aux juges, et « sans attendre une éventuelle modification des textes », la possibilité de libérer un prisonnier s’ils constataient que les conditions de détention de ce dernier sont indignes. Puis le Conseil constitutionnel avait exigé du Parlement l’adoption d’une nouvelle loi, permettant aux personnes placées en détention provisoire de faire respecter ce droit à être incarcéré dans des conditions dignes.