Dans la continuité de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, le gouvernement a présenté en Conseil des ministres, un nouveau projet de loi (PJL) portant diverses dispositions de vigilance sanitaire. Il vise principalement à proroger le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022.
Ce projet de loi comporte six articles. Voici les principaux axes :
Le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire reporté au 31 juillet 2022
Le projet de loi prévoit de prolonger une nouvelle fois, jusqu’au 31 juillet 2022, le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Pour rappel, durant son application, le Premier ministre peut prendre certaines mesures « de freinage » sanitaires comme limiter les déplacements et l’utilisation des transports collectifs (port du masque…), imposer des mesures barrières dans les commerces ou restreindre les réunions et les rassemblements publics.
Pour justifier cette prorogation, le gouvernement indique que « le risque de rebond épidémique demeure avéré, en particulier à l’approche de la période hivernale, propice à une accélération de la circulation virale, et ne permet pas d’envisager dès à présent la levée des mesures de prévention sanitaire sur le territoire métropolitain ».
A l’Assemblée nationale, les députés ont adopté cet article qui proroge au 31 juillet 2022 le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire.
La position du Sénat : Accorder au Gouvernement des prérogatives moins étendues, adaptés à la situation sanitaire réelle
Au Sénat, la Commission des Lois a donc choisi d’établir un régime clair de vigilance sanitaire en adaptant les prérogatives accordées au Gouvernement, afin de permettre une sortie progressive des contraintes pesant sur les Français. Pour ce faire, elle a défini un régime à deux niveaux :
− un premier niveau, qui entrerait en vigueur au 16 novembre 2021, dans lequel le Gouvernement bénéficierait de prérogatives adaptées à la diffusion actuelle de l’épidémie sur le territoire national. Il s’agirait majoritairement de la possibilité de réglementer les déplacements, l’ouverture au public des établissements recevant du public, ainsi que les rassemblements de personnes, par exemple en imposant le port du masque, une distanciation physique ou la mise à disposition de gel, ou en instituant des jauges ;
− en cas de dégradation forte de la situation sanitaire, le Gouvernement pourrait activer, par décret motivé en conseil des ministres, un second niveau dans lequel il bénéficierait de prérogatives plus restrictives de libertés. Le Gouvernement pourrait, dans ces cas exceptionnels, interdire certains déplacements, imposer la fermeture provisoire de certains établissements, ou encore limiter ou interdire les rassemblements de personnes sur la voie publique, voire imposer un couvre-feu ou un confinement. Ces prérogatives, plus restrictives de libertés, ne pourraient être prolongées, au-delà d’un mois, que par la loi.
Cette décision se base sur le fait que :
- 86 % de la population de plus de 12 ans est vaccinée.
- Que tout un éventail d’instruments et de normes de comportement est désormais disponible pour vivre avec le virus : gel, masques, « gestes barrières », télétravail ;
- Que le virus est mieux connu scientifiquement et de manière générale par la population et que
et des traitements antiviraux actifs par voie orale contre le SARS-CoV-2 sont en cours de développement. Ils devraient être disponibles dans les prochains mois.
Prolongation du passe sanitaire : le Sénat limite les conditions de reconduction
Parmi les mesures possibles avec ce régime de sortie de l’état d’urgence, figure aussi le passe sanitaire. Il devait logiquement prendre fin au 15 novembre 2021. Le projet de loi initial prolonge donc de facto le recours au passe sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022.
Au Sénat, la commission a estimé qu’il convenait de ne reconduire cet outil, qui devait légalement prendre fin le 16 novembre, que dans des cas limités, dès lors qu’il a largement épuisé ses effets. Son but était d’inciter à la vaccination. A ce jour 86 % de la population de plus de 12 ans est vaccinée. La commission n’a donc permis le rétablissement temporaire du passe sanitaire que dans une version atténuée et dans les seuls départements où moins de 75 % de la population est vaccinée contre la covid-19 et où une circulation active du virus, mesurée par un taux d’incidence élevée, sera observée. Dans ces seuls départements, il ne serait en outre applicable que pour l’accès à des activités limitativement définies où le port du masque est par nature impossible. Il ne pourrait y être élargi à l’ensemble des activités couvertes aujourd’hui que dans le cas d’une forte aggravation de la situation sanitaire, et pas pour une durée de plus d’un mois sans vote du Parlement.
Le texte renforce aussi les sanctions en cas de fraude au passe sanitaire. La personne qui prête son passe sanitaire à quelqu’un pour entrer dans un lieu encourrait une amende minimum de 135 euros.
Le fait d’établir de faux passes sanitaires et de les vendre, notamment via les réseaux sociaux, serait puni de maximum 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende. L’assurance maladie pourrait dorénavant contrôler les certificats de contre-indication à la vaccination, comme elle le fait déjà pour les personnes soumises à l’obligation vaccinale.
Assurer un contrôle parlementaire des prérogatives exceptionnelles accordées au Gouvernement
Le Gouvernement justifie la date proposée pour le terme de ses prérogatives de lutte contre l’épidémie, fixée au 31 juillet 2022, en avançant que les élections présidentielles et législatives prévues au premier semestre 2022 empêcherait le Parlement de se réunir à compter du 1er mars 2022.
Le Sénat jugé cet argument fallacieux, tant du point de vue constitutionnel que par référence à la tradition républicaine. La session ordinaire du Parlement qui s’est ouverte en octobre 2021 se poursuit en effet jusqu’en juin 2022 et le Gouvernement peut à tout moment, s’il le souhaite, déposer un projet de loi et l’inscrire à l’ordre du jour des assemblées. Estimant que la remise de rapports par le Gouvernement, qui ne présente en revanche aucun caractère constitutionnel, ne permettait pas d’assurer un contrôle des prérogatives exceptionnelles accordées à ce dernier, la commission a fixé le terme des prérogatives exceptionnelles accordées par le législateur au Gouvernement au 28 février 2022 – soit une prolongation de trois mois et demi à compter du terme prévu du régime de gestion de la crise sanitaire. Elle a souligné que s’il était nécessaire de prolonger davantage la durée de ces prérogatives, il reviendrait au Parlement de se prononcer avant le 28 février.
Contrôle des certificats médicaux de contre-indication vaccinale
L’article 3 vise à faciliter le contrôle de l’obligation vaccinale et à en renforcer l’effectivité, en autorisant les écoles de santé à contrôler son respect par les étudiants en santé et en clarifiant les modalités d’exercice de ce contrôle par l’ensemble des structures qui en sont chargées.
Le Sénat a toutefois refusé d’adopter la disposition qui tend à créer un traitement de données spécifique pour les établissements d’enseignement scolaire qui permettrait à l’administration de ces établissements de connaître le statut virologique et vaccinal de leurs élèves, ainsi que leur statut de cas-contact et de procéder à leurs propres traitements de données, ouvrant la possibilité de distinguer le régime de scolarité des élèves en fonction de leur statut vaccinal
ou virologique.
Prolongation des traitements « SIDEP » et « Contact Covid »
L’article 4 proroge jusqu’au 31 juillet 2022 les systèmes d’information mis en œuvre en application de la loi du 11 mai 2021 (systèmes d’information « Contact Covid » et « SI-DEP »).
Prolongation de certaines mesures d’accompagnement
Cet article reporte au 31 juillet 2022 la date de sortie de vigueur de certaines mesures d’accompagnement aux fins de tenir compte des conséquences de l’épidémie, en matière :
- d’activité partielle ;
- de gestion des droits d’auteur ;
- de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics (assouplissements des règles de quorum, visioconférence, etc…).
Quelles différences entre le régime d’état d’urgence sanitaire et le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire ?
En vigueur depuis la sortie de l’état d’urgence sanitaire le 1er juin 2021, le régime de gestion de la sortie de l’état d’urgence sanitaire conserve au Gouvernement l’ensemble des prérogatives qui lui sont attribuées sous le régime de l’état d’urgence sanitaire (EUS), à l’exception de la possibilité d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile (c’est-à-dire le confinement et les mesures de couvre-feu).