Fin juillet, les deux chambres du Parlement ont examiné, dans un calendrier resserré, le projet de loi relatif à la mise en place de la vaccination obligatoire des soignants et la mise en place du passe sanitaire dans certains lieux publics. Le Sénat a fini l’examen du texte dans la nuit du 24 au 25 juillet et l’a adopté par 195 voix pour et 129 voix contre en le rendant moins restrictif. Le lendemain, les députés et les sénateurs sont parvenus à un accord en commission mixte paritaire le 25 juillet. Retour en détail sur ce texte adopté à marche forcée sur lequel le Conseil Constitutionnel a rendu son avis le 5 août dernier.
État d’urgence sanitaire
Le Sénat proposait d’inscrire l’ensemble des mesures du projet de loi dans le cadre de l’« état d’urgence sanitaire ». Or, avec le texte définitivement adopté, nous restons dans régime dit « de sortie de la crise sanitaire ». Celui-ci est prolongé jusqu’au 15 novembre 2021 (le gouvernement proposait initialement le 31 décembre).
Passe sanitaire
Le dispositif du passe sanitaire a été instauré par la loi du 31 mai 2021 jusqu’au 30 septembre 2021 pour les voyageurs en provenance ou à destination de la France et pour l’accès à de grands rassemblements (de plus de 50 personnes depuis le 21 juillet) occasionnés par des activités de loisirs (salles de cinémas, théâtres, musées…) ou des foires et salons.
La loi prolonge le passe sanitaire jusqu’au 15 novembre 2021 et étend son périmètre à de nombreuses autres activités de la vie quotidienne :
- les bars et restaurants (à l’exception des restaurants d’entreprise), y compris en terrasse ;
- les grands magasins et centres commerciaux, sur décision du préfet du département, en cas de risques de contamination, dans des conditions garantissant l’accès aux commerces essentiels, ainsi qu’aux transports ;
- les séminaires ;
- les transports publics (trains, bus, avions) pour les trajets longs ;
- les hôpitaux, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et les maisons de retraite pour les accompagnants, les visiteurs et les malades accueillis pour des soins programmés. Le passe ne sera pas demandé en cas d’urgence médicale.
La loi permet, en outre, d’exiger un passe pour l’ensemble des activités de loisirs et foires et salons (sans notion de jauge).
Le passe sanitaire est exigible :
- pour le public (personnes majeures) dans tous ces lieux et établissements dès le 9 août.
- pour les enfants de 12 à 17 ans, le passe ne sera obligatoire qu’à partir du 30 septembre 2021.
- pour les personnels qui y travaillent à partir du 30 août 2021.
- Comme l’a voté le Sénat, la présentation de documents officiels d’identité ne pourra être exigée que par les agents des forces de l’ordre.
Salariés et établissement réfractaires
Pour les personnels, le passe entrera en application le 30 août. Le devenir des personnels réfractaires à la vaccination a fait l’objet d’âpres discussions. A défaut de présenter ce passe, leur contrat de travail pourra être suspendu, sans salaire. Une affectation sur un autre poste, sans contact avec le public, pourra leur être proposée. La possibilité d’un licenciement spécifique pour défaut de passe sanitaire au bout de deux mois, initialement voulue par le gouvernement, a été supprimée par les sénateurs.
Il n’y aura pas de licenciement pour non-respect des obligations liées au passes sanitaire pour les agents ou salariés qui y sont soumis mais une suspension des fonctions ou du contrat de travail qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération. Cette interruption prendra fin dès que le salarié produit les justificatifs requis.
La faculté pour les employeurs de rompre les contrats de travail à durée déterminée (CDD) et intérimaires de ces salariés a aussi été censurée par le Conseil constitutionnel.
Détail des sanctions en cas de non-présentation du passe
Des sanctions sont encourues en cas de non-présentation par le public du passe (au minimum 135 euros d’amende) et d’absence de contrôle par les commerçants et professionnels chargés de le vérifier (mise en demeure et éventuelle fermeture temporaire de l’établissement, puis en cas de récidive peine d’un an de prison et 9 000 euros d’amende).
Le Conseil constitutionnel a, par une réserve d’interprétation, précisé que les contrôles du passe sanitaire devront se fonder sur des critères excluant toute discrimination.
Des sanctions pour utilisation frauduleuse d’un passe sanitaire (135 euros d’amende et plus en cas de récidive) et des circonstances aggravantes en cas de violences commises sur les personnels chargés de vérifier le passe ont été prévues par les parlementaires.
Vaccination obligatoire des soignants
Deuxième mesure phare du texte avec le passe sanitaire, l’obligation vaccinale pour les soignants a peu évolué au cours de la CMP.
La vaccination contre le Covid-19 est rendue obligatoire, sauf contre-indication médicale, pour les personnes travaillant dans les secteurs sanitaire et médico‑social. Sont en particulier concernés :
- les professionnels médicaux et paramédicaux qui exercent en libéral ou dans les hôpitaux, les cliniques, les Ehpad et les maisons de retraite, ainsi que les professionnels, étudiants ou élèves qui travaillent dans ces locaux ;
- les professionnels en contact avec des personnes vulnérables, comme les pompiers, les ambulanciers, les employés au domicile de certains bénéficiaires de l’allocation personnalisé d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH).
Les personnels non vaccinés ont jusqu’au 15 septembre 2021 pour le faire, voire jusqu’au 15 octobre 2021 s’ils ont déjà reçu une première dose de vaccin. Un certificat de statut vaccinal leur sera délivré.
Afin de faciliter la vaccination, les salariés et les agents publics bénéficient d’une autorisation d’absence pour se rendre aux rendez-vous vaccinaux. Leur employeur peut aussi leur accorder une autorisation pour accompagner leurs enfants mineurs à la vaccination.
À défaut d’avoir été vaccinés dans les temps, les salariés et les agents publics pourront être suspendus, sans salaire. La possibilité d’un licenciement en cas de défaut de vaccination au Covid au bout de deux mois, initialement voulue par le gouvernement, a été également supprimée par les parlementaires pour les soignants.
Isolement des personnes positives au Covid-19
Le projet de loi prévoyait que jusqu’au 15 novembre 2021 toutes les personnes dépistées positives au Covid-19 devraient s’isoler automatiquement pendant dix jours. Dans ce cadre, il leur était fait interdiction de sortir de leur hébergement, sauf entre 10 h et 12 h, en cas d’urgence ou pour des déplacements strictement indispensables, sous peine de sanction pénale.
Par sa décision du 5 août 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré cette mesure non conforme à la Constitution. Il a considéré que le placement en isolement, mesure privative de liberté, ne pouvait s’appliquer sans qu’une décision individuelle fondée sur une appréciation de l’administration ou du juge n’intervienne. Le projet de loi donnait certes au malade isolé le droit de demander au préfet du département un aménagement des conditions de son isolement ou au juge des libertés et de la détention (JLD) la mainlevée de l’isolement, mais seulement a posteriori.
Sur ce point, le Sénat s’était d’abord opposé à l’isolement d’office des cas positifs.
Autres mesures
Les sénateurs ont introduit un nouveau délit en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’une mesure d’expulsion.
Les peines encourues en cas de dégradation d’un centre de vaccination sont alourdies (5 ans de prison et 75 000 euros d’amende).
La loi a clarifié l’usage et la proposition de faux certificats de vaccination, pour, notamment, favoriser la lutte contre les faux passes sur internet.
La loi prévoit, sur amendements des parlementaires, que l’accord d’un seul parent est nécessaire pour les tests ou la vaccination contre le Covid des enfants de 12 à 16 ans. Les enfants de plus de 16 ans pourront décider seuls de se faire vacciner, sans autorisation parentale.
L’avis du Conseil Constitutionnel
Dans une décision publiée le 5 août, le Conseil constitutionnel a validé pour l’essentiel la loi relative à la gestion de la crise sanitaire. Toutefois, il a censuré l’isolement obligatoire des personnes positives à la Covid-19, la rupture anticipée du contrat de travail et il a également nuancé l’application du passe sanitaire aux centres commerciaux.
Comme décrit ci-dessus, le conseil constitutionnel a déclaré la mesure de l’isolement des personnes malades non conforme à la Constitution. Il a considéré que le placement en isolement, mesure privative de liberté, ne pouvait s’appliquer sans qu’une décision individuelle fondée sur une appréciation de l’administration ou du juge n’intervienne.
Autre mesure censurée par le Conseil constitutionnel : la possibilité pour un employeur de rompre un CDD ou un contrat d’intérim « avant son terme » si le salarié ne présente pas de passe sanitaire. Il relève une « différence de traitement » avec les salariés étant en contrat à durée indéterminée, « sans lien avec l’objectif poursuivi« . En revanche, la suspension du contrat de travail sans rémunération est validée.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a validé l’extension du passe sanitaire à certains centres commerciaux «au-delà d’un certain seuil défini par décret» et si «la gravité des risques de contamination» à l’échelle d’un département le justifie. Il s’agit des centres commerciaux d’une superficie supérieure à 20 000 m².