Faute d’avancée possible avec l’Assemblée nationale, le Sénat a rejeté en nouvelle lecture le projet de loi relatif à la bioéthique, qui ouvre notamment la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seule. Sur ce projet de loi à fort enjeu sociétal, l’opposition reste totale entre nos deux assemblées, malgré deux ans de navette parlementaire.
A titre personnel, j’ai voté comme la majorité de mes collègues en faveur du rejet du texte proposé. Je suis clairement favorable à une écologie globale ou à une éthique générale. Si chacun s’accorde aujourd’hui à mettre en exergue une éthique à l’égard de la planète, je crois tout autant à la nécessité d’une éthique à l’égard de l’être humain.
Des désaccords persistants
Après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a, pour l’essentiel, repris, en nouvelle lecture, le texte qu’elle avait adopté en deuxième lecture.
Tout en prenant acte des apports ponctuels du Sénat intégrés au texte (modalités du don croisé d’organes ou de la transmission d’une information génétique dans les situations de rupture de la filiation biologique, etc.), les rapporteurs ont regretté que les députés refusent toute discussion concernant les modalités de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation. Le Sénat avait proposé des conditions d’établissement de la filiation pour les couples de femmes.
Le Sénat a regretté que ce projet de loi intègre à la révision des lois de bioéthique une réforme qui relève davantage d’un choix de société que d’une évolution des techniques médicales. Le débat sur la PMA a éclipsé dans le débat public des enjeux éthiques majeurs comme ceux liés à la recherche.
Que contient le texte adopté ?
Le projet de loi a été définitivement adopté à l’Assemblée. En première lecture, le Sénat avait affirmé le principe de l’inexistence d’un droit à l’enfant en le mentionnant dans le code civil. L’Assemblée nationale (AN) a supprimé cet article.
Élargissement de la PMA à toutes les femmes
L’article 1er étend aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes seules l’accès aux techniques de PMA ; il supprime en conséquence le critère médical aujourd’hui requis pour en bénéficier. L’accès à l’AMP repose sur l’évaluation médicale et psychologique des demandeurs, une condition d’âge ainsi que la tenue d’entretiens préalables par une équipe clinicobiologique pluridisciplinaire. Le texte prévoit également l’égalité de prise en charge par l’assurance maladie en cas de recours à l’AMP quel que soit le bénéficiaire.
Le double don de gamètes (un homme et une femme souhaitant un enfant, mais ayant tous les deux des problèmes de fertilité, voudraient bénéficier d’un double don)
La loi lève l’interdit sur le double don de gamètes. La loi n’autorisait la conception d’un embryon qu’avec les gamètes d’au moins l’un des membres du couple, l’ovocyte de la femme ou le sperme de l’homme, afin de maintenir un lien biologique avec au moins l’un des deux parents. La loi bioéthique autorise la conception d’un embryon avec des gamètes exclusivement issus du don. Le Conseil d’Etat a estimé que cette autorisation est juridiquement possible et a rappelé que l’assistance médicale à la procréation demeure soumise à l’obligation de privilégier les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés.
Fin de l’anonymat des donneurs de gamètes (des enfants nés de dons de gamète souhaitent connaître leurs géniteurs) :
L’AN a rétabli sa rédaction issue de la deuxième lecture. Elle a prévu de prévoir le consentement irrévocable du donneur, préalablement au don, à communiquer ses données non identifiantes et son identité. C‘est à dire qu’à partir du moment où un donneur (homme ou femme) souhaite faire un don de gamète (spermatozoïdes ou ovocytes), il devra obligatoirement accepter que son identité puisse être dévoilée à l’enfant qui sera issu de ce don, lorsque celui-ci aura 18 ans. Les enfants qui le souhaitent peuvent alors déposer une demande auprès d’une commission d’accès aux origines, auprès d’une commission dépendant du ministère de la santé.
Pour les enfants nés avant la promulgation de la loi, les anciens donneurs pourront être recontactés après formulation d’une demande par la personne née du don, mais ils auront le choix de fournir ou non leurs coordonnées.
Evolution de la reconnaissance de la filiation des enfants nés d’une PMA
Pour les couples de femmes ayant recours à la PMA, l’accès à la filiation sera facilité. « S’agissant de la femme qui a accouché, son lien de filiation sera établi dans l’acte de naissance, comme c’est le cas pour les couples hétérosexuels », indique le texte législatif. Pour la conjointe n’ayant pas porté l’enfant, son lien de parenté sera officialisé par le biais d’une reconnaissance conjointe anticipée réalisée pendant la grossesse devant un notaire.
Les couples de femmes qui ont recouru à une PMA à l’étranger avant que cette révision de la loi ne soit promulguée auront trois ans pour faire une reconnaissance et établir la filiation de l’enfant.
Le don d’ovocytes au sein des couples reste interdit
La technique de la Ropa (Réception de l’ovocyte par la partenaire) consiste en un don d’ovocytes au sein d’un couple de femmes en vue d’une procréation médicalement assistée. Elle reste interdite. Une femme ne pourra donc pas porter un embryon issu de la fécondation des gamètes de sa compagne et d’un donneur.
Chimères
GPA : deux hommes en couple souhaitent avoir un enfant
La gestation pour autrui (GPA) reste formellement interdite en France.
Autorisation de l’autoconservation des ovocytes
L’AN a rétabli sa version et a autorisé l’autoconservation des gamètes sur indication non pathologique pour réaliser une PMA ultérieurement. Les personnes qui le souhaitaient pourront désormais congeler leurs ovocytes ou leurs spermatozoïdes, et ce, sans raison médicale particulière. Le prélèvement de ces gamètes pourra être pris en charge par la Sécurité sociale, mais devra se dérouler dans une structure agréée (publique ou privée accréditée). La conservation des gamètes restera toutefois à la charge du bénéficiaire (environ euros par an).
IVG : Fin du délai de réflexion.
La semaine de réflexion imposée actuellement pour un avortement est supprimée. Par ailleurs, une nouvelle catégorie d’avortement va être créée : l’interruption volontaire partielle de grossesse en cas de mise en péril de la santé de la femme, des embryons ou des fœtus. Une telle intervention sera désormais autorisée jusqu’à la fin de la 12e semaine de grossesse et ce, après consultation d’une équipe pluridisciplinaire.
Cellules souches
L’AN a rétabli la possibilité de créer des embryons chimériques par insertion de cellules souches pluripotentes induites humaines (iPS) dans un embryon animal et de transférer ce dernier chez une femelle. Elle a aussi autorisé la modification d’un embryon humain si elle n’implique pas l’adjonction de cellules provenant d’autres espèces. En cas de manquement aux règles régissant la recherche sur les cellules souches embryonnaires (CSEh) et les iPS, des sanctions sont prévues.
La PMA post-mortem reste interdite
Il reste impossible pour une femme dont le conjoint est mort d’avoir recours à une PMA. Elle n’a pas le droit d’utiliser les gamètes ou les embryons fécondés à partir du sperme du défunt qui ont été conservés.
Hétérosexuels ou homosexuels : mêmes règles pour le don du sang
Le texte réforme les critères de sélection relatifs au don du sang. Les critères de sélection des donneurs « ne peuvent être fondés sur aucune différence de traitement, notamment en ce qui concerne le sexe des partenaires avec lesquels les donneurs auraient entretenu des relations sexuelles », dispose le texte. Les hommes homosexuels pourront donc donner leur sang, sans avoir à se soumettre à la contrainte d’abstinence sexuelle de quatre mois aujourd’hui en vigueur.