En qualité de rapporteur pour la commission des lois sur le budget immigration et droit d’asile, je me suis rendu avec quelques collègues le 6 mai à Calais.
Le sujet est bien entendu l‘immigration illégale à destination du Royaume-Uni. D’une part la situation à Calais s’est améliorée. À l’époque de la « jungle » en 2015-2016 il y avait jusqu’à 10 000 migrants pour une présence actuelle ramenée entre 700 et 1000. Les moyens mis en place sont très importants.
Outre les services classiques de police dans une ville de plus de 70 000 habitants, 3 compagnies de CRS sont présentes en permanence ainsi qu’un demi-escadron de gendarmerie mobile.
La compagnie de gendarmerie qui couvre la partie rurale à côté de Calais comprend 150 hommes et est renforcée en permanence par 48 réservistes.
Plusieurs services spécialisés de la police sont également présents et en particulier la police de l’air et des frontières, l’OCRIEST… La mobilisation de l’État n’est pas simplement sécuritaire. Elle porte également sur une prise en charge humanitaire adaptée, depuis les toilettes, les douches (j’ai pris une photo d’une partie de la file d’attente pour prendre une douche), la distribution des repas etc.
La situation est paradoxale. Les enjeux de Calais ne sont pas des enjeux d’immigration. Il s’agit exclusivement de migration, de passage.
Aucun étranger en situation irrégulière qui aboutit à Calais ne souhaite s’intégrer à notre pays ou demander l’asile. Ils veulent partir au Royaume-Uni. Il s’agit d’hommes entre 20 ans et 30 ans, prêts à tout pour s’y rendre et complètement pris en main par des réseaux de passeurs professionnels.
Calais est leur destination logique puisque c’est bien sûr là que la distance est la plus courte avec le Royaume-Uni. C’est surtout Eurotunnel avec 1 600 000 camions transportés par an sur le Royaume-Uni et le port de Calais et ses ferrys avec 1 900 000 camions.
Les migrants prennent des risques insensés pour tenter de se dissimuler dans les camions, soit en Belgique, soit entre Paris et Calais, soit sur le site même de Calais.
Ceci a conduit Eurotunnel et le port de Calais à prendre des mesures considérables avec plusieurs systèmes successifs de sûreté ramenant le nombre de clandestins transportés par camion à un nombre très faible.
La situation s’est modifiée avec depuis 2018 la montée en puissance des trajets par « Small boat ». Tout le littoral du Pas-de-Calais et du Nord est soumis à une forte pression avec par beau temps et les risques de traversée, des départs de bateaux organisés par les passeurs professionnels plus ou moins surchargés en fonction des moyens financiers des migrants. Le coût de la traversée se situerait entre 3000 € et 60 000 €. Nous sommes aujourd’hui à plus de 500 départs de bateaux par an avec des lieux qui changent en permanence d’où de fortes difficultés pour nos services de sécurité.
J’ai enfin compris quelle pourrait être l’utilité, avec la promulgation prochaine de la sécurité globale, de drones pour surveiller les côtes françaises dans des conditions efficaces.
La particularité du régime applicable au tunnel sous la Manche veut que la frontière britannique soit défendue côté français. Il s’agit du traité dit du Touquet ou de Sangatte. Le taux de succès de ces transferts par bateau serait évalué à 40 %.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer les Britanniques ne renvoient pas, ni en France ni dans les pays d’origine, les migrants ayant pu traverser le channel clandestinement ce qui est probablement aussi une des raisons pour lesquelles ceux-ci essaient, à tout prix, de passer.
Les structures de mise à l’abri proposées par notre pays ne sont utilisées que pendant l’hiver et par mauvais temps. Comme indiqué plus haut, les migrants concernés ne veulent pas d’un hébergement par la France.
Il s’agit pour l’essentiel d’Afghans, de Soudanais, d’Érythréens et depuis une période récente, les services de la police de l’air des frontières m’indiquaient que les Vietnamiens étaient de plus en plus présents avec une évaluation à 30 %.
La présence de Vietnamiens m’étonne beaucoup. S’ils essaient de passer clandestinement, je ne vois pas d’autre motif qu’une immigration économique basée sur une économie souterraine afin d’alimenter les ateliers textiles clandestins dans les Midlands.
J’avoue que ce sujet me laisse imaginer demain des conditions de concurrence avec les Britanniques tout à fait biaisées.
Je garde finalement de ce déplacement de sérieux doutes quant à l’opportunité du traité du Touquet avec les Britanniques, la conviction que le sujet Calais n’est pas du tout un sujet d’immigration du moins pour la France, qui est concernée uniquement en tant que lieu de passage.
J’avoue aussi ma perplexité pour la suite des opérations quant à l’évolution de l’économie britannique.