Dans la continuité du rapport remis au Premier ministre fin juillet 2020, Jean-René Cazeneuve, député et Président de la délégation à l’Assemblée nationale, a présenté une actualisation du chiffrage de l’impact de la crise du Covid-19 sur les finances locales, au 31 mars 2021. Tour d’horizon du baromètre.
Bilan de l’exécution des comptes pour 2020
Dans son quatrième baromètre, le président de la délégation à la décentralisation de l’Assemblée nationale estime cet impact à environ 4 Md€ en se basant sur les comptes d’exécution des collectivités pour 2020 par la DGFiP.
- Les recettes réelles de fonctionnement (RRF) constatées sur l’ensemble des collectivité sont diminué de-0,4% par rapport à 2019. Cette baisse marque une rupture par rapport à la croissance moyenne annuelle des RRF observée entre 2017 et 2019 (+1,8%);
- Les recettes tarifaires ont quant à elles baissé de 19,3% soit-1,9Md€ en 2020 ;
- Les dépenses réelles de fonctionnement (DRF) de l’ensemble des collectivités ont quant à elles augmenté de 1,8% par rapport à 2019.
- Les dépenses d’intervention supplémentaires liées au covid-19 ont été contrebalancées par la baisse des charges et achats externes(-3,3%) liées à l’arrêt d’un certain nombre d’activités.
- La crise se traduit par un recul de l’épargne brute (CAF) des collectivités de 11,4% (30,6Md€). Elle s’établit à un niveau proche de celui de 2018 et efface deux années de croissance de capacité d’autofinancement
Cet impact limité en 2020 pourrait toutefois cacher l’effet différé de certains budgets annexes susceptibles de dégrader la situation financière des collectivités en 2021 et 2022. En effet, si les subventions d’équilibre sont intégrées aux budgets primitifs,il ne faut pas exclure des effets à plus long terme concernant les régies, les sociétés publiques locales (SPL) et les délégations de service public (DSP) qui ont connu pour certaines d’importantes baisses de recettes tarifaires, toujours difficile à évaluer aujourd’hui.
• L’équilibre financier des AOM est fortement fragilisé en 2020 alors que la crise s’est prolongée. Les AOM voient leurs recettes impactées sous l’effet de plusieurs changements de comportement: recours à d’autres types de mobilités (vélos, trottinettes électriques, etc.), développement du télétravail, exode urbain. Les pertes de recettes tarifaires s’élèvent -19% et la fréquentation a diminué, en moyenne, de moitié par rapport à son niveau d’avant crise.
Les dispositifs déployés pendant la crise
5 mesures clés représentent un total d’environ 2 Md€ déployés par l’Etat en 2020 afin de soutenir les collectivités territoriales pendant la crise. Si elles ont permis de réduire l’impact de cette crise, il convient de rappeler que la majorité de ces sommes constituent des avances qui devront être remboursées par les collectivités de façon échelonnée dans l’avenir.
- Un mécanisme de compensation des pertes tarifaires et fiscales a été mis en place par la Loi de finances rectificatives FR III (dit «filet de sécurité»). 4426 communes et EPCI ont bénéficié du filet de sécurité. Ainsi, pour les 32 000 autres, les ressources sont globalement plus élevées en 2020 qu’elles ne l’étaient en moyenne entre 2017 et 2019. Au total, les pertes compensées au titre de ce dispositif s’élèvent à environ 200 M€;
- Les pertes de recettes sont plus importantes pour certains types de collectivités. Les grandes villes et les métropoles ont été davantage touchées par la crise, en particulier en raison de leurs charges de centralité.
- Un mécanisme d’avances remboursables a été adopté en LFR III au profit des départements. L’État a versé aux départements une avance permettant de compenser les pertes sur le produit des DMTO. Souscrit initialement par 40 départements pour un montantde394M€,ce dispositif ne devrait finalement bénéficier qu’à 8 départements pour un total de 119 M€, grâce à la baisse limitée des DMTO.
- Un soutien particulier a été apporté aux AOM. A ce titre, une avance remboursable calculée de manière forfaitaire pour compenser une perte de 8% de leur recette fiscale –le versement mobilité –et de 35% de leurs recettes tarifaires a été mise en place. 86 AOM ont demandé à en bénéficier, pour un montant de 583 M€.
- L’État a subventionné 432 EPCI et 191 communes qui ont décidé de soutenir leurs entreprises locales en prenant en charge pour moitié la baisse de CFE, pour un montant total de 102 M€au profit d’environ 98 000 établissements
- La mesure d’étalement des dépenses exceptionnelles liées à la crise a enfin permis de ne faire peser que pour 1/5ème du poids réel de ces dépenses de fonctionnement sur le budget 2020. Le respect de la règle d’équilibre budgétaire est ainsi rendu compatible avec la nécessité d’une action urgente de lutte contre la crise.Ce mécanisme aura bénéficié à 251 budgets de collectivités pour un montant de 567 M€. Ce sont donc 450 M€ de dépenses qui ne pèseront pas directement sur l’équilibre des collectivités locales en 2020
Les indicateurs du 1er trimestre 2021
- Le versement mobilité augmente de 3,8% sur le 1er trimestre 2021 ;
- Les dépenses de RSA continuent d’augmenter, dans des proportions toutefois mesurées au regard de la conjoncture.
- Les recettes de DMTO connaissent un nette augmentation au 1er trimestre 2021, qui se poursuit en avril, grâce à la bonne santé du marché immobilier (+22%).
Les perspectives d’investissement des collectivités pour 2021
Selon ce baromètre, la capacité d’autofinancement des collectivités augmentera en 2021 et encore plus certainement en 2022.
- Elles disposent d’un solde de trésorerie positif qui s’élève à 49,5Md€ au 31 mars 2021 (contre 43,9Md€ au 31 mars 2020);
- Les conditions de recours à l’emprunt demeurent favorables pour le secteur public local qui est globalement considéré́ comme présentant peu de risques par les principaux établissements bancaires. Ces derniers leur offrent donc des conditions d’emprunt équivalentes à celles de l’Etat et bien meilleures que celles des entreprises. Ainsi, les taux d’intérêt ont baissé de 15 points de base pour s’établir à 0,56 % en moyenne.
- On constate toutefois des disparités entre les collectivités. Les régions sont celles qui affichent le niveau d’investissement le plus élevé, connaissant une augmentation de 16,6% en 2020, tandis que les dépenses d’investissement des communes ont chuté en 2020 (-13%).
Divergences selon les niveaux de collectivités pour 2021 et 2022
Pour le bloc communal, le risque est jugé faible. Les communes devraient connaitre un rebond significatif de leur RRF car étant peu ou pas dépendantes des trois recettes fiscales susceptibles de baisser. Pour les intercommunalités, le risque principal se concentre sur la baisse de la CVAE mais elle reste moins importante que prévu (-2,2%) en 2021.
S’agissant des départements, ce sont eux qui connaissent le risque le plus fort puisque, malgré un soutien significatif de l’Etat, l’effet ciseau n’est pas écarté. Les RRF des départements devraient tout de même progresser de 2à 3% en 2021.
Enfin, concernant les régions, suite au remplacement de la part régionale de CVAE par une fraction de TVA, elles verront leurs recettes et CAF augmenter en 2021 et 2022, sans pour autant retrouver la dynamique d’avant crise. Un double effet doit être anticipé : une neutralisation des pertes de CVAE en 2021 et son remplacement par une ressource dynamique (TVA). La TICPE et la TVA, les deux autres principales recettes fiscales des régions, seront quant à elles croissantes. Les RRF des régions devraient augmenter de l’ordre de 2 à 3% en 2021 et d’environ 4% en 2022
La territorialisation du plan de relance, soutien à l’investissement
A travers les appels à projets, subventions des opérateurs de l’Etat, crédits du plan France Relance, ce sont 2,5 Md€ sont mobilisés afin de soutenir l’investissement local et financer la reprise de la commande publique.
- L’État est intervenu directement pour renforcer l’investissement des collectivités dès 2020, par un abondement exceptionnel de 950M€ de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), dont plus de la moitié (571 M€) a été engagé dès 2020 au bénéfice de plus de 3 350 projets d’investissement.
- A cela s’ajoute la DSIL «classique» (570 M€) et de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) (1 Md€). Ces dotations sont fléchées afin de financer les projets relatifs à la transition énergétique, à la santé et au patrimoine, en particulier ceux portés par les territoires ruraux.Une dotation dédiée à la rénovation énergétique des bâtiments publics (650 M€) est également mobilisée dans le cadre du plan de relance.
- Les régions bénéficient en outre de 600 M€ de crédits d’investissement directement issus du partenariat Etat/régions.