Vers une simplification de la procédure d’expropriation des biens en état d’abandon ?

Maisons ou corps de ferme abandonnés, non entretenus, parfois en ruine… les collectivités connaissent bien les difficultés que posent ces biens en état d’abandon. C’est la raison pour laquelle le Sénat a adopté à la quasi-unanimité une proposition de loi visant à faciliter la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste. Le texte doit maintenant être mise à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale. A ce stade, son sort est donc incertain.

La procédure de déclaration de parcelle en état manifeste d’abandon

Cette proposition de loi tend à apporter des modifications ciblées à la procédure de « déclaration de parcelle en état manifeste d’abandon » prévue par le code général des collectivités territoriales (CGCT).

Elle permet à une commune de contraindre un propriétaire à remédier à l’état d’abandon de son immeuble ou, à défaut, de procéder à l’expropriation de celui-ci suivant une procédure simplifiée. Cette procédure permet à des collectivités locales de récupérer des bâtiments à l’abandon, contre le paiement d’une indemnité.

La procédure de DPEMA est originale puisque le transfert de propriété au bénéfice de la commune n’est pas sa seule finalité. Dans un premier temps, ce transfert est un moyen de pression sur le propriétaire qui est invité à mettre fin à l’abandon manifeste de son fonds une fois que celui-ci est constaté par le maire de la commune concernée.

Le transfert de propriété n’intervient que dans un second temps, si le propriétaire ne s’exécute pas.

Cette procédure répond donc à une problématique souvent rencontrée par les maires qui doivent se substituer aux propriétaires défaillants pour effectuer des travaux sans pour autant parvenir à obtenir un quelconque remboursement de ce propriétaire. Elle peut donc être perçue comme une alternative aux astreintes administratives développées par la loi « ELAN », pour inciter le propriétaire à mettre lui-même en œuvre les travaux imposés par des mesures de police administrative spéciale.

Une procédure longue et coûteuse

Pour de nombreux maires, le but de cette procédure très lourde d’un point de vue administratif et financer n’est pas d’exproprier les biens mais d’inciter les propriétaires à réagir et à trouver des solutions pour débloquer les situations.

Pour les maires que nous représentons, le problème vient du fait que ces procédures sont longues et coûteuses. D’abord, il leur faut lancer une déclaration d’utilité publique, qui motivent les raisons de la procédure d’expropriation. Les collectivités doivent donc justifier par un projet pourquoi elles ont besoin d’exproprier le bien ou la parcelle en question. Ensuite, il leur faut réaliser un arrêté de cessibilité. Pour se faire, une enquête doit être menée pour identifier le propriétaire du bien, les titulaires des droits sur ce bien, les parcelles exactes à exproprier. Enfin, à l’issue de la phase administrative, une phase judiciaire s’enclenche auprès du tribunal de grande instance… Toutes ces procédures sont longues et codifiées. Moi-même, en tant qu’ancien maire, j’ai été confronté à des problématiques de biens abandonnés. Mais je n’ai jamais réussi à récupérer ces bâtiments via la procédure d’expropriation, car elle était trop compliquée à mener à terme.

Jean-Claude Requier, auteur de la proposition de loi


Une proposition de loi qui favorise la mise en oeuvre de la procédure

L’article unique de la proposition de loi tend à introduire des modifications ponctuelles au sein de la
procédure de déclaration de parcelle en état manifeste d’abandon (DPEMA), dont le régime est prévu aux articles L. 2243-1 à L. 2243-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Elle vise donc à :

Elargir la procédure aux parcelles situées à l’extérieur du périmètre d’agglomération

Avec l’adoption de ce texte, l’expropriation, par le maire, de parcelles en état d’abandon manifeste peut se réaliser au profit d’un EPCI.

– Supprimer la limitation des finalités d’utilisation des biens expropriés afin d’ouvrir davantage de possibilités aux communes.

Les communes pourraient aussi constituer des réserves foncières grâce à ces expropriations. Nul besoin de justifier la procédure par des projets de reconstruction ou de réhabilitation de logements, ou pour des projets d’intérêt général de restauration, d’aménagement ou de rénovation du bien.

– Distinguer deux procédures d’expropriation :

  • une procédure simplifiée (sans enquête publique préalable) pour les expropriations concernant les biens à l’état d’abandon impliqués dans des opérations en matière d’habitat ou la constitution de réserves foncières en vue de telles opérations ;
  • une procédure de droit commun régie par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans tous les autres cas de figure. Concernant cette procédure de droit commun, la PPL supprime la limite mentionnant que l’expropriation en état d’abandon manifeste ne peut se réaliser qu’en « vue soit de la construction ou de la réhabilitation aux fins d’habitat, soit de tout objet d’intérêt collectif relevant d’une opération de restauration, de rénovation ou d’aménagement ».

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