Un recours contre les conditions de détention indignes

Le Sénat a adopté une proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention.

Ce titre justifie des explications.

Emprisonner quelqu’un est une peine. La privation de liberté est une chose mais les conditions de sa détention en sont une autre.

Les perspectives de réinsertion d’un détenu ne seront pas améliorées si les conditions elles-mêmes de sa détention sont indignes. La situation la plus connue  est la surpopulation de nos prisons.

Elle existait déjà au 19ème siècle lorsqu’Alexis de Tocqueville fit son célèbre voyage en Amérique d’où il devait tirer son ouvrage de référence « de la démocratie en Amérique ». Il est moins connu qu’il s’était rendu en Amérique pour examiner leurs dispositions pénitentiaires et que, sous la Monarchie de Juillet, il avait fait voter une disposition précisant que tout détenu devait l’être dans une cellule individuelle.

Depuis bien longtemps, il y a une surpopulation dans les prisons françaises et de nombreux détenus n’ont pas accès à un lit mais dorment sur des matelas supplémentaires placés dans les cellules. La société Française avait fini par s’habituer à cette situation.

Notre société est soumise à de multiples contrôles juridictionnels (c’est devenu un vrai sujet que je ne peux traiter ici).

Dès 2013, la France a été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) en raison de conditions de détention indignes, puis en 2015 de nouveau mais sur l’idée qu’une personne détenue dans des dispositions indignes n’avait pas de possibilité de contestation.

Ceci a fini par déboucher sur une décision de la Cour de Cassation du 8 juillet 2020 considérant que l’indignité de détention pouvait constituer un obstacle légal au maintien en détention provisoire.

Le Conseil Constitutionnel a, par une décision du 1er octobre 2020, déclaré non conformes à la Constitution les dispositions qui régissaient cette matière, pris soin de ne pas abroger immédiatement pour éviter des libérations tout à fait abusives et a fixé un délai au Gouvernement jusqu’au 1er mars 2021 pour adopter de nouvelles dispositions.

Sauf qu’au 1er mars 2021, l’exécutif n’avait toujours pas trouvé de solution ou plus exactement n’avait pas été en mesure de déposer un texte. C’est la raison pour laquelle les sénateurs ont pris le relais à travers une proposition de loi.

Le texte adopté par le Sénat insère dans le Code de procédure pénale un nouvel article 803-8 qui prévoit dans quelles conditions et selon quelles modalités un détenu peut saisir le juge judiciaire lorsqu’il estime subir des conditions indignes de détention. Si le juge estime la requête fondée, il reviendra d’abord à l’administration pénitentiaire de prendre des mesures pour mettre fin aux conditions de détention indignes. Celle-ci pourra notamment décider le transfèrement du détenu avec l’accord du magistrat chargé du dossier s’il s’agit d’un prévenu dans une autre maison d’arrêt.

Si le problème n’a pas été résolu par l’administration pénitentiaire dans le délai prescrit, le juge judiciaire pourra ordonner le transfèrement de la personne détenue, la mise en liberté de la personne placée en détention provisoire ou un aménagement de peine si la personne est définitivement condamnée à condition qu’elle soit éligible à une telle mesure.

L’idée est en résumé de maintenir l’exécution de la peine et de s’assurer que les conditions de détention soient « dignes ». Ne nous cachons pas que cela va rajouter du travail aux juges d’instruction !

Je suis convaincu que l’Assemblée Nationale va adopter, probablement dans des termes très proches ces dispositions pour mettre fin au vide juridique.

Il n’y a aucune naïveté dans ces dispositions.

L’administration pénitentiaire ne pourra pas continuer à pratiquer une « surpopulation » et devra soit procéder à des rénovations, soit mener à bien le programme de création de places supplémentaires de prison qui ont déjà été budgétées mais qui ne sont toujours pas réalisées.

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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