Le mois dernier, vous m’avez interrogé sur le devenir des masques à usage uniques, dont l’utilisation explose. L’utilisation des masques de protection pour lutter contre l’épidémie conduit à la production d’environ 40 000 tonnes de déchets non recyclés en 2020 en France. Comment collecter, trier, décontaminer, recycler et valoriser ces nouveaux déchets ? La mission flash installée à l’Assemblée nationale sur le traitement des masques usagés a rendu ses conclusions.
Consulter la synthèse des travaux.
Contexte d’installation de la mission flash
La généralisation du port du masque pour lutter contre l’épidémie de Covid 19 a indéniablement des conséquences environnementales car il n’existe pas de filière de recyclage de cette protection composée de matière plastique non-biodégradable.
La mission d’information s’est donc demandé comment notre société pourrait mieux valoriser ces déchets et quelles étaient les conditions de réussite d’une filière de recyclage des masques.
Au cours d’une dizaine d’auditions et de tables rondes conduites tout au long du mois de janvier, les rapporteurs ont entendu des représentants des industriels du recyclage, des élus locaux, des entreprises engagées dans la collecte et le recyclage des masques, des associations et des organismes de recherche.
Ils ont également auditionné l’Agence de la transition écologique (ADEME), l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et la direction générale de la prévention des risques (DGPR).
Plusieurs questionnements ont orienté les travaux de cette mission flash : Comment collecter, trier, décontaminer, recycler et valoriser le nouveau déchet que constituent les masques usagés ?
À quelles conditions la mise en place d’une filière de recyclage est-elle pertinente? Les masques dits à usage unique peuvent-ils être réutilisés pour devenir plus durables?
Une nouvelle source de pollution
Les masques à usage unique, constitués à 90 % de polypropylène, sont une source de pollution pour l’environnement.
Ils constituent un gisement important de déchets, évalué à environ 40000 tonnes par an par la DGPR.
Toutes les étapes du cycle de vie des masques sont sources de pollution. Leur production nécessite l’extraction de pétrole; leur fabrication et leur transport ont une empreinte carbone considérable.
Lorsqu’ils sont correctement collectés avec les ordures ménagères, les masques finissent incinérés ou enfouis, ce qui n’est plus acceptable. Ils sont malheureusement aussi jetés à terre et dans la nature et risquent alors d’être emmenés vers les réseaux d’eaux pluviales ou d’assainissement, tout comme les lingettes dont le traitement pose des difficultés dans les stations d’épuration.
Les obstacles au recyclage
Des initiatives locales prometteuses émergent. Néanmoins certains obstacles posent des difficultés dans le traitement des masques usagés :
- le risque infectieux : Le virus reste viable pendant sept jours sur les masques chirurgicaux, d’après une étude citée par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP).
- Des installations de tri actuelles inadaptées: les masques sont très légers (4grammes) et leurs élastiques se coincent dans les machines de tri. Ils ne peuvent être jetés dans la poubelle jaune des déchets recyclables; une collecte spécifique est nécessaire.
- Un coût économique très peu incitatif: il s’élèverait, selon la DGPR, à près de 19 000euros la tonne pour des masques collectés dans des box conformes à la réglementation des DASRI4, et à 5600 euros la tonne s’ils sont collectés dans des sacs dédiés. Des économies d’échelle et une organisation rationnelle devraient faire baisser ce coût,mais il reste élevé comparé à celui de la valorisation des emballages plastiques, de 442 euros la tonne.
- Un manque de visibilité: l’amélioration de la situation sanitaire devrait conduire à une baisse de l’utilisation des masques.Cette incertitude n’incite pas à un investissement massif dans le recyclage.
Les opportunités de la filière recyclage
Malgré ces barrières, plusieurs entreprises mettent leur savoir-faire au service de la collecte et du recyclage des masques, comme Terra Cycle en région parisienne, Cosmolis à Avelin, Neutraliz, soutenue par la métropole de Tours Val de Loire, Plaxtil à Châtellerault ou encore Cycl-Add à Oyonnax.
Soutenues par les collectivités locales, ces entreprises fonctionnent selon le modèle de l’économie circulaire et font appel à des structures d’insertion pour la collecte et le tri.
Des débouchés intéressants ont été trouvés grâce à la coopération avec les industriels de la plasturgie et du textile, déjà très engagés dans l’éco-responsabilité et l’utilisation de matière recyclée.Des écosystèmes vertueux, à la fois industriels, écologiques et sociaux ont ainsi pu être créés.
Le lavage des masques chirurgicaux validé par les scientifiques
En mars 2020, un consortium interdisciplinaire auquel participe notamment le CNRS, le CEA, l’INSERM, l’ANSES ainsi que des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, des hôpitaux et des industriels a été créé pour explorer les pistes de recyclage des masques.
Dès avril 2020, ce consortium démontre que les masques chirurgicaux maintiennent leurs performances de protection jusqu’à dix cycles de lavage à 60°C avec détergent.
Cependant, pour pouvoir recommander un tel traitement des masques chirurgicaux usagés, il faudrait au préalable examiner l’effet non seulement de dix cycles de lavage, mais aussi celui du port répété de ces mêmes masques durant quatre heures, ce qui suppose de réaliser un essai clinique.
Si les résultats de cet essais ont concluants, la normalisation en vigueur devrait évoluer pour permettre à des fabricants de revendiquer la possibilité pour leurs masques chirurgicaux de devenir réutilisables
Quelles modalités de collecte ?
Des modalités de collecte distinctes selon le lieu d’utilisation du masque:
- Pour les particuliers à leur domicile : les masques doivent être jetés avec les ordures ménagères, dans la poubelle grise. Encore trop de masques finissent encore dans la poubelle jaune dédiée au recyclage, entraînant des refus de tri.
- Dans les lieux collectifs, des points de collecte dédiés pourraient être développés (grandes entreprises, supermarchés, établissements d’enseignement, lieux d’accueil du public…).
- Dans les unités de traitement de la covid-19 à l’hôpital, les masques ont le statut de DASRIet sont soumis à une réglementation spécifique. Le développement de banaliseurs, qui permettent de désinfecter ces déchets pour qu’ils soient traités comme des déchets inertes ordinaires, est intéressant car il ouvre la voie à un possible recyclage des déchets infectieux (masques, surblouses, charlottes jetables).
- Un recyclage en «circuit court» : Le recyclage des masques doit s’effectuer à l’échelle d’un territoire, en privilégiant les circuits courts. Il n’est pas question d’acheminer les déchets à l’autre bout de la France. Le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) pourrait comporter un diagnostic des besoins et des structures pouvant participer au recyclage des masques.
A la lumière de ces éléments, il est intéressant de noter le rôle central de l’économie sociale et solidaire : Le recyclage des masques, source d’emplois non délocalisables, intéresse l’économie sociale et solidaire, en particulier les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) et les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE).
Le plan de relance comporte une mesure de soutien au financement d’équipements de banalisation des DASRI, pour un montant de 10 millions d’euros sur la période 2021-2022.
Par ailleurs, l’Agence de la transition écologique (ADEME) finance la société Cycladd qui propose de mettre en place une filière de recyclage des masques usagés, dans le cadre de l’aide aux régénérateurs.
Concernant les collectivités territoriales, certains départements et métropoles (Ille-et-Vilaine, Vienne, Tour Val de Loire, notamment) ont mis en place des projets de partenariats avec des entreprises sociales et solidaires afin de favoriser le recyclage des masques.