Ce mois-ci, la commission des Affaires européennes du Sénat a pu échanger par visioconférence, avec les services de la Commission européenne à Bruxelles.
Nos échanges ont permis d’évoquer trois grands sujets :
- La réaction européenne à la crise sanitaire du coronavirus, avec M. Pierre DELSAUX, Directeur général adjoint chargé des directions B (systèmes de santé, produits médicaux et innovation) et C (santé publique) ;
- Le plan de relance européen, avec Mme Céline GAUER, Directrice générale de la Task Force pour la relance & la résilience ;
- La régulation du numérique via les projets de règlements Digital Services Act (DSA) et Digital Market Act (DMA), avec M. Prabhat AGARWAL, Chef d’unité, Direction générale réseaux de communication, contenu et technologies.
La réaction européenne à la crise sanitaire du coronavirus
M. Pierre Delsaux a commencé son intervention en tirant deux leçons de l’année passée.
- Les Etats européens manquaient cruellement des équipements nécessaires lors de l’apparition de la crise sanitaire.
- Les réponses non coordonnées des états membres ont créé plus de chaos que de solutions.
Pour rappel, l’UE n’a pas la compétence santé et la Commission européenne n’a pas l’intention de modifier de changer les traités. Toutefois, ces derniers mois ont bien montré que même sans compétence, l’UE pouvait arriver à faire des choses, comme en matière de vaccins, par exemple.
A ce sujet, Pierre Delsaux est longuement revenu sur la gestion des commandes de vaccins par la Commission européenne. Cette dernière a en effet négocié au nom et pour le compte des états membres avec les laboratoires, avec la garantie que les vaccins seraient la propriété des états membres.
Les Etats membres ont bien entendu été tenus au courant de l’avancée des négociations au sein d’un groupe de haut niveau. 2,3 milliards de doses ont ainsi été achetées… largement de quoi vacciner plusieurs fois tous les citoyens européens.
La commission est toutefois dépendante des décisions de l’agence européenne des médicaments qui donne le feu vert à la mise sur le marché des vaccins fabriqués par les laboratoires. Tous ne le sont pas encore.
Le premier à avoir été autorisé le vaccin de Pfizer / BioNTech pour lequel l’UE a acheté 200 millions de doses avec une option de 100 millions supplémentaires. Un processus de négociation est en cours pour l’achat de 200 millions de doses supplémentaires.
L’autre vaccin autorisé est celui du laboratoire Moderna. Compte tenu de la taille plus petite de cette entreprise, les quantités achetées sont moindres : 80 millions de doses, avec une option de 80 millions supplémentaires.
Le vaccin d’Astra Zeneca est toujours en attente de validation par l’autorité scientifique. Il pourrait être autorisé d’ici la fin du mois de janvier. La Commission européenne a sécurisé une commande de 300 millions de vaccin.
D’autres vaccins produits par d’autres laboratoires comme Johnson et Johnson, Sanofi ont un calendrier plus lointain mais devraient être en mesure de fournir des doses dans l’année.
Pierre Delsaux insiste sur l’importance de cette coordination qui a permis d’éviter une surenchère commerciale sur les prix des vaccins entre état membre. A titre d’exemple, Israël a payé 4 à 5 fois le prix que nous payons pour s’approvisionner en vaccins.
Bien qu’elle ne possède pas de compétences en matière de santé, la Commission européenne a émis un certain nombre de recommandations.
Parmi elles, l’accélération du rythme de la vaccination afin que 70 % de la population européenne soit vaccinée d’ici l’été 2021.
Elle ne dispose pas d’outils contraignants à l’encontre des états membres mais souhaiterait pouvoir bénéficier de plus d’informations quant à la progression de la couverture vaccinale à travers l’Europe. A cet effet, elle compte sur la transparence des états membres.
Enfin, la Commission souhaiterait une harmonisation des mesures restrictives prises par les Etats membres, en fonction du taux d’incidence. La définition de critères chiffrés selon le taux d’incidence permettrait d’envisager soit des mesures restrictives harmonisées soit des mesures d’assouplissement. Cela éviterait aussi le problème de la gestion des frontières.
La question des variants appelle aussi l’attention de la commission qui a demandé aux états membres des analyses plus poussées pour déterminer dans quelle mesure les variants circulent dans la population. Elle met en garde sur le risque d’une explosion des cas si on ne détecte pas leur présence.
La gestion passée de cette crise montre que sans changer le cadre institutionnel et sans empiéter sur les compétences des états membres, l’UE est parvenue à obtenir des résultats.
Reste des questions en suspens telles que le passeport vaccinal proposé par certains pays européens, ou des questions géopolitiques pour déterminer la position à adopter face aux pays en développement qui ne peuvent pas accéder aux vaccins.
Enfin, la commission a présenté trois grands plans :
-Un Plan d’action pharmaceutique pour renforcer le rôle de l’agence européenne des médicaments (détecter les pénuries de médicaments)
– Un plan pour renforcer l’agence de contrôle et prévention des maladies.
– La création d’une 3ème autorité : HERA permettant d’anticiper les crises futures et de renfocer la recherche sur les maladies résistantes aux antibiotiques par exemple.
Le plan de relance européen
Mme Céline GAUER a rapidement rappelé la gestion économique de la crise en 2020 avec des aides très vigoureuses apportées aux Etats, avant d’évoquer le plan de relance de crise prévu pour 2021.
La Commission européenne a en effet proposé un plan de 750 milliards d’euros pour préparer la relance et le retour à une économie soutenable.
Nommé « Next Generation UE », le plan est adossé au projet de budget pluriannuel européen d’environ 1100 milliards d’euros pour la période 2021-2027.
Le montant de 750 milliards sera emprunté sur les marchés financiers par la Commission européenne au nom de l’Union européenne et viendra s’intégrer aux programmes et aux fonds financés par l’Union européenne.
Le plan est ainsi réparti :
Ce plan de relance représente un effort sans précédent. Sa mise en œuvre efficace pourrait créer 2 millions d’emplois et générer 2% de croissance supplémentaire.
Il s’appuie sur 6 piliers : la transition verte, la transformation numérique, la cohésion sociale et territoriale, la cohésion économique, la santé, la jeunesse/éducation.
Le montant de ce fonds vient s’ajouter aux 540 milliards validés par le Conseil européen au mois d’avril.
La régulation du numérique
La Commission européenne a publié, le 15 décembre, les projets de règlements Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA), qui doivent permettre la mise en œuvre d’un nouveau cadre de régulation, pour mettre fin à l’irresponsabilité des géants du numérique.
L’objectif est de parvenir à leur adoption début 2022. La France est en train de prendre un peu d’avance sur Bruxelles et souhaite anticiper la mise en oeuvre du Digital Services Act, notamment à travers le PJL séparatisme.
Ces deux projets ont pour objectif de doter l’Union européenne d’un nouveau cadre de responsabilité des grandes plateformes du numérique :
- dans leur dimension sociétale : lutte contre la dissémination des contenus illicites ou préjudiciables)
- dans leur dimension économique et concurrentielle : garantir que les marchés numériques restent innovants et ouverts à la concurrence, et que les relations commerciales entre les grands acteurs et leurs partenaires commerciaux y demeurent équilibrées et loyales.
Le Digital Markets Act instaure un nouveau modèle de régulation fondé sur un système d’obligations graduées, dit « asymétrique », qui cible de façon adéquate les plus grands acteurs.
Les propositions du Digital Services Act visent la mise en responsabilité des plateformes numériques au regard des risques significatifs qu’elles induisent pour leurs utilisateurs dans la diffusion de contenus et produits illicites, dangereux ou contrefaits.
Qu’il s’agisse du DSA ou du DMA, les sanctions financières représenteront un pourcentage des revenus globaux de l’entreprise en question. Dans le DMA, il est prévu que les sanctions se rapportent à 10% des revenus, et 6% dans le DSA.