Le Sénat criminalise les actes sexuels sur les mineurs de 13 ans

Deux ans et demi après l’entrée en vigueur de la loi Schiappa contre les violences sexuelles et sexistes, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à créer un nouveau crime sexuel pour protéger les mineurs de moins de treize ans.

C’est un sujet de société complexe, sur lequel nous avons récemment beaucoup légiféré.

A la lumière de l’actualité, ce texte prend indéniablement une nouvelle dimension. Il y a indiscutablement une libération de la parole très puissante qui permet une levée progressive du tabou de l’inceste. Ce phénomène avait déjà commencé avec le mouvement #Metoo et se poursuit avec le retentissement exceptionnel du livre de Camille Kouchner.

La proposition de loi cherche à poser un interdit sociétal clair en criminalisant tout acte de pénétration sexuelle entre un majeur et un mineur de treize ans. Ce nouveau crime serait constitué dès lors que l’auteur connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime. À la différence du viol ou de l’agression sexuelle, il ne serait donc pas nécessaire d’établir un élément de contrainte, violence, menace ou surprise pour caractériser l’infraction, ce qui devrait faciliter les poursuites.

L’état du droit actuel

Aujourd’hui, pour être pénalement poursuivi, le crime de viol suppose de démontrer que l’acte de pénétration sexuelle a été commis « par violence, contrainte, menace ou surprise ».

De la même manière, le délit d’agression sexuelle suppose de démontrer que l’atteinte sexuelle a été commise « avec violence, contrainte, menace ou surprise ». Depuis la loi dite « SCHIAPPA » du 3 août 2018, le code pénal précise que lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur, « la contrainte morale ou la surprise (…) peuvent résulter de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits (…) ».

Il faut également rappeler que les actes de nature sexuelle constituant le délit d’atteinte sexuelle s’entendent de tout agissement en rapport avec l’activité sexuelle, c’est-à-dire des actes qui, s’ils étaient commis avec violence, entreraient soit dans la définition du viol (acte de pénétration sexuelle) soit dans celle de l’agression sexuelle (actes autres que de pénétration sexuelle). L’atteinte sexuelle nécessite d’une part un contact corporel entre l’auteur et la victime et, d’autre part, que ce contact ait une connotation sexuelle.

Le code pénal fixe aujourd’hui un âge de consentement sexuel à 15 ans et prohibe tout acte de nature sexuelle entre un adulte et un mineur âgé de moins de 15 ans (délit d’atteinte sexuelle).

Le dispositif de la proposition de loi

L’article 1er de le PPL vise à insérer dans le code pénal un article définissant un nouveau crime de pénétration sexuelle sur mineur de 13 ans par un adulte :

« Art. 227-24-2. – Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par une personne majeure sur un mineur de treize ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime. »

L’élément intentionnel de l’infraction résulterait selon les auteurs « de la pénétration sexuelle elle-même » et « de la connaissance de l’âge de la victime par l’auteur des faits ».

Pour se défendre, l’auteur des faits aurait la possibilité d’apporter la preuve qu’il ne pouvait connaître l’âge exact du mineur avec lequel il a eu une relation sexuelle.

Le crime de pénétration sexuelle sur mineur de moins de 13 ans serait puni de 20 ans de réclusion criminelle, à l’instar de la peine prévue par l’article 222-24 du code pénal en cas de viol avec circonstances aggravantes (V. tableau supra).

Ainsi, « le comportement de l’enfant ne sera plus interrogé, on ne questionnera plus le consentement d’un mineur de moins de 13 ans », avance l’auteur de la PPL, Annick Billon, Présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat.

Le seuil de 13 ans a été retenu car il fixe « la limite indiscutable de l’enfance » pour Annick Billon, « c’est l’âge de la responsabilité pénale et il pose un écart d’âge suffisant concernant les actes sexuels avec des majeurs ».

Avec les dispositions issues de la PPL, les actes de pénétration sexuelle commis par des personnes majeures sur des mineurs relèveraient donc, selon l’âge des victimes et en fonction des circonstances :

  • en-deçà de 13 ans, du nouveau crime instauré par la présente proposition de loi ;
  • entre 13 et 15 ans, de l’atteinte sexuelle définie à l’article 227-25 du code pénal ou du viol avec circonstances aggravantes si le recours à la « violence, menace, contrainte ou surprise » est attesté ;
  • entre 15 et 18 ans, de l’atteinte sexuelle sans « violence, menace, contrainte ni surprise » prévue à l’article 227-27 du code pénal quand l’auteur des faits est un ascendant ou une personne qui abuse de son autorité, ou du viol en cas de recours à la « violence, menace, contrainte ou surprise ».

En séance publique, les sénateurs ont adopté des amendements tendant à :

  • inclure, comme crime sexuel, le rapport bucco-génital commis par une personne majeure sur un mineur de 13 ans  ;
  • préciser la notion de contrainte résultant d’un état d’autorité sur la victime ;
  • renforcer les peines encourues pour les atteintes sexuelles incestueuses  ;
  • compléter la définition du viol en mentionnant explicitement les rapports bucco-génitaux ;
  • allonger les délais de prescription appliqués aux personnes coupables de non-dénonciation d’infractions sur mineurs ;
  • interrompre les délais de prescription lorsque l’auteur d’un crime commis sur un mineur commet le même crime sur un autre mineur.

Quelle application concrète ?

Cette idée que la caractérisation criminelle est toujours préférable à l’approche délictuelle parce que plus soit disant plus répressive est loin de toujours se vérifier.

Les effets de seuil sont toujours sujet à débat.

La jurisprudence avait déjà évolué pour ne pas laisser passer des actes abominables. Notre droit est déjà très protecteur et je crains que ces changements ne génèrent pour la justice incompréhension et instabilité.

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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