Quels nouveaux pouvoirs pour les polices municipales ?

Le mois dernier, je vous proposais un article sur la proposition de loi « sécurité globale ». Adoptée le 24 novembre en première lecture à l’Assemblée nationale, elle sera examinée au Sénat au début de l’année 2021. Tour d’horizon actualisé des mesures contenues dans ce texte après son passage à l’Assemblée.

De nouvelles prérogatives pour la police municipale

Dans son article 1er, la proposition de loi élargit le champ de compétences des polices municipales. Pendant trois ans, les policiers vont « expérimenter l’élargissement de leur domaine d’intervention sur la voie publique » dans les communes disposant d’une police municipale de plus de 20 agents.

Concrètement, les policiers municipaux pourront désormais constater davantage d’infractions comme l’ivresse publique, la vente à la sauvette (y compris de produits de tabac manufacturé), la conduite sans permis, les squats de halls d’immeubles, les tags ou encore l’occupation illégale d’un terrain communal, la constatation de l’entrave à la circulation publique, constatation du délit de port ou de transport sans motif légitime d’armes et de munitions.

Ils pourront aussi participer à l’encadrement de manifestations sportives, récréatives ou culturelles.

A l’Assemblée nationale, les députés ont prévu que l’expérimentation devra faire l’objet d’un débat en conseil municipal. Par ailleurs, le texte prévoit que, au plus tard neuf mois avant le terme de l’expérimentation, les communes concernées remettent au gouvernement un rapport d’évaluation. Le gouvernement remet ensuite au parlement un rapport d’évaluation générale de la mise en œuvre de l’expérimentation au plus tard six mois avant son terme. Les rapports d’évaluation communaux devront être annexés afin de permettre au législateur d’avoir une vision d’ensemble des difficultés et des points d’améliorations possibles de ces mesures, notamment au regard de la diversité des situations concernées.

L’expérimentation élargie aux gardes champêtres

 l’article 1er posant le cadre de l’expérimentation, a été complété à l’assemblée et donne la possibilité aux gardes-champêtres d’en faire partie.

Dans le cadre de cette expérimentation, leurs compétences seront donc enrichies. Ils pourront notamment procéder au placement d’un véhicule en fourrière, et auront la possibilité de ramener des personnes en état d’ivresse au poste de police nationale ou de gendarmerie afin qu’elles soient placées en cellule de dégrisement.

Par ailleurs, les gardes-champêtres pourront utiliser des appareils photographiques fixes ou mobiles dans le cadre de la lutte contre les atteintes aux propriétés rurales et forestières tels que les dépôts sauvages en milieu naturel, les vols dans les champs ou sur les exploitations agricoles. Les prises de vues n’auront d’autre but que d’appuyer les constats opérés dans le cadre des missions de police judiciaire visant à la répression des atteintes aux propriétés. Elles ne recevront aucune utilisation publique et seront couvertes par le secret de l’enquête pénale et de l’instruction.

Des clarifications sur le statut des gardes-champêtres ont été apportées par la rapporteure, Alice Thourot. En effet, il reviendra désormais au ministre de l’Intérieur de déterminer, par arrêté, les caractéristiques de la carte professionnelle, de la tenue, de la signalisation des véhicules de services et des types d’équipement qu’emploient les gardes-champêtres.

L’information des maires sur les suites judiciaires rendue systématique

L’article 1er bis a été introduit à l’Assemblée nationale en vue de renforcer l’information des maires autour des suites judiciaires données aux infractions constatées sur leur commune. Alors que la loi Engagement et proximité instaurait une information des maires « à la demande », cette précision est supprimée pour la rendre systématique.

Ouverture aux syndicats intercommunaux à vocation unique

L’article 5 supprime le seuil de 80 000 habitants permettant la mutualisation des polices municipales. Afin d’encourager cette mutualisation, le texte est complété par la possibilité pour les communes de se regrouper en syndicat intercommunal à vocation unique afin d’asseoir l’organisation de la mise en commun des agents de police municipale entre communes limitrophes, sur une structure juridique sécurisée.

Encadrement de la sécurité privée

A l’approche de la Coupe du monde de rugby 2023 et des JO 2024, le gouvernement souhaite mobiliser davantage les agents privés de sécurité. L’emploi d’anciens policiers à la retraite par les sociétés sera favorisé (article 15). Le domaine d’intervention des agents sera en outre élargi. Ils seront par exemple désormais autorisés à assurer des opérations de palpation de sécurité (article 8). Le préfet pourra par ailleurs leur confier des missions de surveillance des personnes contre les actes de terrorisme (article 18).

La vidéosurveillance, les caméras piétons et les drones

Le titre 3 est consacré à la « vidéoprotection ». L’article 20 élargit les services habilités à visionner les images de surveillance. Les forces de l’ordre pourront par exemple désormais exploiter les images tirées des caméras des bailleurs pour lutter contre les occupations de halls d’immeubles. Par ailleurs, alors que l’utilisation de caméras piétons sur les forces de l’ordre doit être généralisée d’ici juillet 2021, l’article 21 autorise les autorités à rendre public l’enregistrement de ces caméras, dans un but d’« information du public sur les circonstances de l’intervention ».

L’article 22, qui porte sur l’utilisation des drones par les forces de l’ordre, suscite lui aussi des réticences. Alors que lors du premier déconfinement le Conseil d’Etat avait ordonné au gouvernement de cesser la surveillance de Paris, le ministère de l’Intérieur souhaite désormais encadrer une pratique aux contours encore flous.

Renforcer la protection des « forces de sécurité intérieure »

Certaines dispositions du titre 4 répondent directement à la demande de syndicats de policiers. C’est le cas des articles 23, 24 et 25 de la proposition de loi. L’article 23 prévoit la suppression de certaines réductions de peine pour les personnes condamnées à la suite d’infractions commises à l’encontre d’élus, de militaires, d’agents de la police, de la gendarmerie et des pompiers.

Enfin, l’article 25, autorise les forces de l’ordre à accéder à des établissements recevant du public avec leur arme de service.

Je vous parlerai bien entendu en janvier ou février de l’article 24 qui a une grande célébrité par les débats qu’il a provoqué… mais aussi par des manifestations y compris violentes.

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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