PLF : comment sont traitées les collectivités locales dans le budget 2021 ?

Alors que le budget voté l’an dernier était marqué par un débat sur la réforme de la taxe d’habitation, le projet de loi de finances pour 2021 s’inscrit dans le double contexte d’une crise sanitaire et d’une nouvelle réforme de la fiscalité locale avec la baisse des impôts de production. Si les dotations de l’État aux collectivités sont globalement stables et que le plan de relance sera en grande partie à la charge de l’Etat, les collectivités observent une réduction de leurs marges de manœuvre et de leur autonomie fiscale (toujours plus de dotations et de moins en moins de recettes propres). Par ailleurs, des réformes importantes sont annoncées (ou en cours d’examen) – loi 3D ou PJLO expérimentations locales – dont on ne sait pas si elles auront ou non un impact budgétaire. Ce PLF 2021 sera aussi marqué par l’entrée en vigueur de l’acte II de la suppression de la taxe d’habitation, votée lors de la loi de finances 2020.

Un soutien effectif mais incomplet de l’Etat

La crise sanitaire a engendré des pertes de ressources les collectivités estimées à plus de 7 Mds €. Les collectivités territoriales sont donc dans l’attente d’un soutien significatif apporté par l’Etat, tant dans l’immédiat, par exemple pour compenser l’achat de masques, que sur le long terme afin de relancer les investissements locaux.

Dans ce contexte, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » portent une part de l’effort de relance conduit par le Gouvernement. Ils connaissent une augmentation significative, de l’ordre de 6,82 % en autorisations d’engagement et de 12,88 % en crédits de paiement, pour s’établir respectivement à 4,09 milliards d’euros et 3,9 milliards d’euros.

Si la mission « Relations avec les collectivités territoriales » comprend certaines des réponses apportées aux collectivités territoriales en la matière par l’État, ce soutien a été jugé incomplet par les collectivités territoriales.

La mission porte une partie du plan de relance, puisqu’elle couvre à hauteur de 100 millions d’euros les crédits de paiement afférents au milliard d’euros d’autorisations d’engagement consommées en 2020 au titre de la DSIL exceptionnelle, votée dans la troisième loi de finances rectificative.

Cette DSIL exceptionnelle devait financer des projets correspondant à trois priorités : la transition écologique, la résilience sanitaire et la rénovation du patrimoine. Au 15 octobre, 1 749 projets ont été programmés, pour un montant de 320 millions d’euros. S’agissant de projets sélectionnés en fonction de la rapidité de leur mise en œuvre, l’inscription de seulement 100 millions d’euros en crédits de paiement me laisse perplexe.

Par ailleurs, les fluctuations sur la portée des dispositifs de compensation proposés par l’État sont dommageables. La nette diminution des compensations financières des pertes enregistrées par les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), a particulièrement
été déplorée. Cette diminution s’explique néanmoins par une réévaluation à la baisse des pertes enregistrées par les collectivités et établissements publics concernés, en cohérence avec les estimations de la mission conduite par le député Jean-René Cazeneuve.

Les incertitudes pesant sur le montant réel des compensations proposées aux collectivités sont donc compréhensibles, le Gouvernement n’ayant pas de visibilité complète sur les évolutions du contexte financier ; elles n’en donnent pas moins l’impression d’un soutien incomplet de l’État, au moment même où les collectivités formulent des inquiétudes légitimes sur l’évolution de leurs finances.


Un projet de loi qui réduit l’autonomie fiscale des collectivités

Le contexte financier dans lequel s’inscrit la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est également celui d’une nouvelle réduction des marges de manœuvre fiscales des collectivités territoriales.

La réforme de la fiscalité économique des collectivités locales, proposée par le Gouvernement (article 3 du présent projet de loi de finances) reviendra en effet à une diminution de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Relire l’article sur la baisse des impôts de production.

La baisse des impôts de production et leur compensation par une part d’impôt national s’inscrit dans la tendance lourde d’une perte d’autonomie fiscale pour les collectivités territoriales, via le remplacement de produits d’impositions sur lesquelles les collectivités disposent d’un pouvoir de taux ou d’assiette par des produits d’impôts nationaux.

Cette baisse des impôts de production est çà mon sens le plus discutable. D’une part, je doute de son efficacité en termes de relance, alors qu’entreprise par entreprise, cela représentera des montants très limités, à l’exception des plus grandes entreprises françaises.

D’autre part, cette baisse creuse de 10 milliards d’euros supplémentaires le déficit de l’Etat. Ce pari me paraît bien risqué… surtout au regard de notre endettement.

Des dotations en légère progression

Les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales augmenteront de 1,2 milliard d’euros au niveau agrégé (soit un montant de 50,3 milliards d’euros).

Toutefois, la provision permettant de garantir le montant prévisionnel des recettes fiscales du bloc communal et des collectivités d’outre-mer, institué par la 3e loi de finances rectificative au titre de l’année 2020, n’est pas reconduite pour 2021 à ce stade des discussions.

Conformément à l’engagement du président de la République, la dotation globale de fonctionnement (DGF) est globalement stable en valeur à 26,8 milliards d’euros (dont 18,3 milliards d’euros pour le bloc communal et 8,5 milliards d’euros pour les départements).

Toutefois, la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) augmentent de 90 millions d’euros chacune, de même que la dotation d’intercommunalité (+ 30 millions d’euros), les dotations de péréquation des départements (+ 10 millions d’euros), au détriment donc des autres bénéficiaires.

Les autres dotations (DSIL, DETR, DSID et dotation politique de la ville) restent stables.

Il est enfin à noter que la dotation de compensation pour transferts des compensations d’exonération de fiscalité directe locale sera en baisse de 17,5 millions d’euros pour les régions et de 20 millions pour les départements.

Quant au soutien à l’investissement public local, le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) augmentera de 0,55 milliard d’euros en raison du dynamisme de l’investissement dans les premiers mois de l’année 2020 (il atteint 6,55 milliards d’euros). Les crédits de paiement sur les dotations d’investissement progresseront de 0,15 milliard d’euros.

Refonte des règles de calcul des enveloppes de DETR

L’article 59 prévoit une refonte des règles de calcul des enveloppes de DETR entre les départements afin de renforcer le ciblage de la dotation vers les départements les plus ruraux.

Pour ce faire, il remplace l’enveloppe, qui constitue 25% du montant total de la DETR, calculée au prorata de la population des EPCI éligibles à la DETR dans le département. En effet, cette enveloppe, telle qu’aujourd’hui calculée, tient compte de la population des communes urbaines situées dans des EPCI éligibles à la dotation, alors même que ces communes n’ont pas prioritairement vocation à bénéficier de la DETR et favorise, dans la répartition de la dotation, les départements contenant un nombre important de communes urbaines qui sont dans cette situation, au détriment des départements les plus ruraux. Avec cet article, seules seraient prises en compte, dans le calcul de cette enveloppe, les communes rurales situées dans les EPCI éligibles.

Les communes rurales sont identifiées à partir de la grille de densité élaborée par l’INSEE, qui permet de caractériser les communes à partir de leur densité, les communes peu denses ou très peu denses étant considérées comme rurales. Cet article renforce également les règles d’encadrement des évolutions des enveloppes de DETR de chaque département d’une année sur l’autre, aujourd’hui fixées à 95% (100% outre-mer) et 105% du montant réparti l’année précédente. Ces seuils seraient respectivement fixés à 97% et à 103%, afin de lisser dans le temps les variations des montants alloués à chaque préfet de département.

Je ne suis pas en mesure à l’état actuel, de vous dire si cette modification des règles de calcul de la DETR jouera favorablement ou pas pour l’enveloppe globale de notre département. J’ai du mal à imaginer que cela soit défavorable mais…


.

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture