Au cours des débats sur le PLFSS, les Sénateurs ont pointé du doigt la problématique de la fraude sociale et ont affirmé la nécessité d’intensifier la lutte contre les erreurs et les délits. Fantasme ou réalité ? Peut-on réellement chiffrer ce phénomène et quelles sont les pistes de lutte ? Cet article n’a pas la prétention d’apporter des réponses précises mais vous éclairera sur l’état des travaux en la matière.
La fraude aux prestations sociales est par définition difficile à chiffrer.
Jamais la fraude n’a connu des mutations aussi rapides. La dématérialisation croissante des relations entre les usagers et les organismes de protection sociale, aussi bénéfique soit-elle sous bien des aspects, a son revers, et il est redoutable.
Les outils numériques les plus simples, les plus accessibles, peuvent se transformer en instruments de falsification. Sur les réseaux sociaux ou sur le darknet, des « kits » de fraude à l’identité et aux prestations sociales sont en vente quasi libre. De même, les facilités offertes pour déclarer en ligne la création d’une entreprise ont eu pour effet la multiplication des « entreprises éphémères », dépourvues de consistance et dont le but n’est autre que de permettre la captation frauduleuse de prestations de toute nature.
La dématérialisation de la fraude a pour corollaire son internationalisation, favorisée par les circulations intra-européennes et le développement du travail détaché. Celui-ci occasionne, tout comme le travail dissimulé, des pertes colossales pour les organismes de protection sociale.
En outre, le mode déclaratif en vigueur dans de très nombreuses procédures d’ouverture de droits auprès des organismes sociaux présente des faiblesses considérables, sources de nombreuses erreurs et de fraudes potentielles.
De toute évidence, la fraude aux prestations sociales ne saurait être qualifiée de « fraude des pauvres », par opposition aux « fraudes des riches » que seraient la fraude aux cotisations ou la fraude fiscale. Elle doit être combattue avec la même détermination, sans aucune réticence, car ce sont nos concitoyens âgés, malades ou précaires qui en sont les premières victimes.
Rapport fait au nom de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales
La Cour des comptes a récemment publié un rapport sur la fraude sociale sans, en évaluer le coût réel. D’ailleurs, sa première recommandation précise qu’il faut pouvoir « estimer le montant de la fraude aux prestations, non seulement pour la branche famille, mais aussi pour l’assurance maladie, la branche vieillesse et Pôle emploi »
Cette recommandation du niveau plutôt réglementaire s’inscrit dans des engagements pris par le gouvernement.
Un sujet qui mobilise les parlementaires
La fraude aux prestations sociales est régulièrement évoqué par les parlementaires et cette problématique a donné lieu à nombre de publications.
En mai 2019, le Premier ministre a missionné Mme Carole Grandjean, députée, et Mme Nathalie Goulet, sénatrice, pour mener un travail sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Celles-ci ont remis leur rapport, intitulé Lutter contre les fhttp://www.carolegrandjean.fr/mission-gouvernementale-sur-la-fraude-aux-prestations-sociales/raudes aux prestations sociales, un levier de justice sociale pour une juste prestation, en octobre 2019.
En juin 2019, le rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, a remis un rapport d’information consacré au sujet particulier des conséquences de la fraude documentaire sur la fraude sociale.
L’Assemblée nationale a installé au cours de l’année une commission d’enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales,
Le rapport de cette « commission d’enquête a ainsi établi très tôt que la fraude documentaire et la fraude à l’identité constituent la porte d’entrée la plus importante pour la fraude aux prestations sociales et que les organismes de protection sociale sont encore mal armés pour les détecter. «
Il comprend donc de nombreuses recommandations et propositions visant à renforcer la lutte contre ce type de fraude, à améliorer la qualité de l’information contenue dans les différents fichiers et à ouvrir beaucoup plus largement l’accès des organismes de protection sociale à des fichiers clés comme l’AGDREF (application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France).
Le rapporteur est favorable à la mise en place rapide d’éléments de biométrie dans les données attachées à la carte Vitale et dans les procédures permettant aux retraités vivant à l’étranger de prouver leur existence.