Le quatrième round de « visio-négociations » entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, qui s’est achevé vendredi 5 juin, n’a encore une fois pas permis d’avancées significatives.

Les principaux sujets de blocage demeurent et la position britannique semble se radicaliser, alors même que le négociateur européen Michel Barnier espérait sortir de l’impasse avec ce dernier cycle de négociations avant de décider ou non d’une extension de la période de transition, que le Royaume-Uni persiste à refuser.

Dans ce contexte tendu, la mise en œuvre du protocole nord-irlandais n’a pas été évoquée lors de ce round de négociations et avance au ralenti.

I – Le contexte du 4ème round des négociations

1) Un sursaut souverainiste : la lettre de David Frost à Michel Barnier du 19 mai 2020

Le gouvernement britannique affiche une certaine constance dans sa détermination à ne pas solliciter une prolongation de la période de transition.

Pourtant, l’heure n’est toujours pas au compromis et le risque d’une sortie sans accord se précise chaque jour davantage puisque chaque partie reste fermement campée sur ses positions. On a pu croire que le gouvernement britannique chercherait à ne pas cumuler le choc économique provoqué par la crise sanitaire et celui qu’entraînerait une sortie sans accord ou avec un accord minimal et qu’il finirait par accepter un report de la date de clôture de la période transitoire.

Or la lettre de David Frost à Michel Barnier en date du 19 mai 2020 montre que l’objectif britannique reste de conclure un accord de libre-échange ambitieux et de protéger coûte que coûte la souveraineté britannique enfin retrouvée.

Ainsi en cas de nécessité, le Royaume Uni préférera-t-il apparemment sortir sans accord plutôt que renoncer à ce qu’il considère comme sa liberté et aux droits qui s’y attachent.

Dans cette lettre du 19 mai qui manifeste un changement de ton, sinon de stratégie, le négociateur britannique rejette fermement ce qu’il qualifie  » de nouvelles exigences sans précédent et déséquilibrées …préalables à un accord… Il insiste sur le fait que ces conditions n’ont pas été exigées d’autre pays avec lesquels l’UE a signé des accords de libre-échange et rappelle qu’en matière de concurrence équitable, le Royaume-Uni s’est effectivement engagé à respecter les règles qui permettent de l’assurer, mais que ces règles doivent être les mêmes que celles qui ont été acceptées par le Canada par exemple et non les règles qui régissent le club européen auquel le Royaume-Uni n’a plus l’ambition d’appartenir… Enfin, le négociateur britannique dénonce l’argument de la proximité invoqué par Bruxelles pour imposer au Royaume-Uni de plus importantes limitations de souveraineté. Il considère que priver un pays du droit d’établir ses propres lois et règlements simplement parce qu’il se trouve voisin de l’UE n’est pas acceptable. Cette lettre est l’expression officielle d’un sursaut souverainiste et nationaliste qui domine dans le pays. Aujourd’hui les tenants d’un accord a minima arraché à la dernière minute sont majoritaires et les négociations étant au point mort, chacun s’en remet maintenant à l’intervention personnelle du Premier Ministre, Boris Johnson, qui rencontrera en juin, à une date non encore fixée, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, pour relancer les négociations et peut-être les achever.

2) La crise sanitaire continue à gêner l’action du gouvernement

L’activité économique reste encore très entravée par les restrictions découlant du confinement dont l’étau se desserre progressivement. Les autorités décentralisées et les syndicats mènent une guerre d’opposition contre un déconfinement jugé trop rapide et contre toutes les initiatives du gouvernement pour lui donner un rythme plus soutenu. Les prévisions économiques pour 2020 annoncent une baisse du PIB britannique de 10%, ce qui conduit certains à penser que le coût économique d’un accord minimal avec l’UE paraîtra secondaire par rapport à cette importante récession.

3) Un appel au réalisme

C’est dans ce contexte que la lettre de David Frost appelant au respect de la souveraineté britannique a conduit l’Allemagne à réagir par la voix de son ambassadeur auprès de l’UE qui a déclaré qu‘il n’était pas possible pour les Britanniques d’avoir à la fois une pleine souveraineté et un accès total au Marché unique. Cette déclaration vient en écho de la position affirmée par la Chancelière Angela Merkel, lors de la présentation du projet franco allemand pour pallier les conséquences économiques de la pandémie :  » nous sommes convaincus que les Etats nations ne s’en sortiront pas seuls « . Cette divergence quant à l’estimation de la puissance des Etats dans un monde globalisé explique en partie l’échec du quatrième round des négociations qui s’est achevé vendredi 4 juin dernier.

II – L’échec du quatrième round des négociations sur la future relation commerciale entre l’UE et le RU

1) Le bras de fer continue

A la fin du quatrième round des négociations, les quatre grands points de blocage restent les mêmes, à savoir :

  • la pêche
  • la concurrence équitable ( » level playing field « )
  • les garanties en matière de droits fondamentaux nécessaires à une coopération policière et judiciaire étroite en matière pénale ;
  • la gouvernance du futur partenariat, c’est-à-dire les outils de contrôle de sa mise en oeuvre quotidienne.
2) Se préparer à un échec des négociations

Selon une source européenne, les négociations ont été particulièrement difficiles cette semaine sur les points conflictuels comme la pêche ou les conditions de concurrence équitable et on a pu rapporter que les Britanniques ne faisaient même plus semblant de négocier, assimilant la négociation à un bras de fer destiné à leur faire accepter par la force
des conditions dont ils ne veulent pas.

Faute d’efforts de leur part, la négociation reculerait sur bien des sujets. L’écart entre les positions de deux parties reste donc identique à l’issue de cette séance de négociations. L’objectif d’un accord avant le 31 décembre semble plus que compromis, selon des sources proches du dossier. Cette absence de progrès rend désormais indispensable et urgente la fixation d’une date pour la « Conférence de haut niveau » qui doit avoir lieu en juin entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, celui du Conseil européen, Charles Michel, et le Premier ministre britannique, Boris Johnson.

Malheureusement cette rencontre devrait se tenir par visioconférence et on ignore si elle permettra, outre de dresser un premier bilan très maigre des discussions, de relancer enfin les négociations. En résumé, les Européens réclament depuis plusieurs mois un accord très large, assorti de sérieuses garanties pour éviter que le Royaume-Uni ne dérégule son économie en matière fiscale, sociale ou environnementale et exigent un accès aux eaux britanniques pour leurs pêcheurs et Londres, qui ne souhaite qu’un accord classique de libre-échange préservant son autonomie réglementaire, éventuellement assorti de petits accords sectoriels, juge ces demandes excessives et attentatoires à sa souveraineté. La Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Amélie de Montchalin, a ouvertement jugé, dans le Süddeutsche Zeitung, qu’il fallait se préparer, par précaution, à l’échec des pourparlers.

3) Où en est-on de la mise en œuvre du protocole Nord-Irlandais ?

La question n’a pas été soulevée pendant le quatrième round des négociations, mais elle reste dans tous les esprits. En effet, l’idée de départ du Protocole est de s’assurer que les biens transitent facilement et aussi rapidement que possible entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne sans nuire au marché unique. Or sa mise en œuvre semble prendre du retard. On rappellera que le Protocole repose sur un impératif (ne pas réintroduire une frontière physique entre les deux Irlande) dont découle une obligation (introduire des contrôles sur les marchandises qui arrivent en Irlande du Nord en provenance de GrandeBretagne ou d’un autre pays tiers pour s’assurer qu’elles ne sont pas destinées à entrer dans l’UE sans droits de douane). Pour mettre en œuvre cette obligation sans renoncer à l’intégration économique de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni, il convient de mettre en place des contrôles souples mais efficaces, ce à quoi le Royaume-Uni s’est engagé. Naturellement la signature d’un accord de libre-échange entre le l’UE et le RU rendrait l’application de ce Protocole plus facile puisque davantage de marchandises entreraient sans droits.

PROCHAINES ETAPES

Conseil européen 30 juin : date limite pour une demande d’extension de la période de transition

31 décembre : fin de la période de transition

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