Un premier regard sur le projet 3D

Après le texte engagement et proximité destiné à supprimer les irritants de la loi NOTRe et à tenter une réconciliation entre l’exécutif et les maires, la deuxième étape concerne le projet de loi dit « 3D » pour décentralisation, différenciation et déconcentration.

La concertation est prévue jusqu’à fin avril et le texte pourrait être examiné fin de l’année même si j’ai du mal à voir dans quel trou de l’ordre du jour il pourra être glissé.

Une première lecture politique : après la réconciliation avec les maires, est-ce que « 3D » est la même tentative vis à vis des départements et des régions ? Jacqueline Gourault, la ministre responsable, me dit que non et que cela concernerait toutes les collectivités.

Est-ce une réforme institutionnelle ? une nouvelle étape de la décentralisation ? Sa réponse est tout aussi négative. Il ne s’agirait pas d’une nouvelle étape de décentralisation au sens d’un transfert uniforme et permanent de nouvelles compétences. Pour reprendre ses mots, « aujourd’hui, la déconcentration et la différenciation sont la nouvelle décentralisation. »

Que veut-elle dire ? Sur le premier volet de la déconcentration, je pense que l’idée du gouvernement est de traiter ce que j’appellerai des « restes de l’Etat »‘. Par exemple, l’Etat a gardé des bouts de compétence en matière de tourisme alors que tout ceci relève largement des collectivités locales. L’Etat a conservé une co-tutelle sur les EHPAD alors que le sujet est en réalité traité et financé par les départements. L’Etat continue de nommer les dirigeants des FRAC (fonds d’art contemporain) alors qu’ils sont financés quasi exclusivement par les régions…

Les demandes des départements peuvent être diverses. Ce qui nous conduit à la notion de différenciation.

Il y a par exemple des départements qui demandent le transfert de ce qui reste de routes nationales chez eux, d’autres le refusent. J’avoue ne pas connaître la position du Président Ramon sur la RN 112 mais vois bien les difficultés pratiques, nos collègues riverains peinant à faire avancer leurs demandes de sécurité. Il suffit d’aller de Labruguière à Mazamet, et au-delà , pour comprendre que nous avons un problème.  Je reconnais bien volontiers que la question des moyens qui serait transférée au département a vocation à peser sur la future décision.

Des départements demandent le transfert dans leur personnel des intendants de collège. Il est en effet curieux que des dépenses intégralement financées par les départements soient gérées par des fonctionnaires de l’Education nationale.

Les demandes des régions peuvent être aussi variables, certaines voulant prendre la gestion de Pôle Emploi, d’autres simplement participer à son orientation.

Une région comme la Bretagne a déjà obtenu « ‘le Pinel Breton », c’est à dire la possibilité de définir le zonage immobilier éligible à la loi Pinel par la région et non plus par le ministère.

En l’absence de possibilité de faire aboutir la révision constitutionnelle qui comprenait justement l’intégration dans notre droit de la différenciation, celle-ci passera plutôt par l’expérimentation (mais il faut alors une loi organique) ou par la contractualisation.

Je suppose que par la « loi simple », seuls de petits transferts pourront être envisagés.

Si je devais résumer les choses, il me semble que l’on va plutôt vers un système de « menu » où les collectivités auraient plusieurs choix que vers un système « à la carte » avec une liberté , vers des assouplissements mais dans le cadre de notre actuelle législation.

Derrière tous ces sujets, chacun doit aussi être conscient que tout transfert doit aussi comporter des moyens mais également des responsabilités. Je suis frappé de voir que dès qu’une fermeture d’usine intervient sur un territoire, tout le monde s’adresse à l’Etat alors que la compétence économique est maintenant aux régions et aux intercommunalités.
A titre personnel, lors du point que j’ai fait avec la ministre, j’ai essentiellement insisté sur les besoins de souplesse et sur le comportement de l’Etat dans le département.

Sur les besoins de souplesse, je pense surtout aux questions d’urbanisme puisque l’on va finir par ne plus pouvoir construire dans nos zones rurales. Je partage les objectifs nationaux de réduction de la consommation de l’espace et de la préservation des milieux naturels. Mais il me semble indispensable d’avoir un juste équilibre, de permettre au rural de se développer et de « s’en sortir ». Garder au pays ses jeunes et accueillir de nouvelles familles est légitime pour nos territoires ruraux.

Sur le changement de comportement de l’Etat, j’ai vu avec les années l’Etat devenir de plus en plus contrôleur et de moins en moins conseil.

Il convient de revenir à un Etat conseil.

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