Loi « SILT » : un équilibre atteint entre prévention des actes de terrorisme et protection des droits et libertés

Suite aux attentats qui ont secoué notre pays, le Parlement a adopté la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terroriste, dite « loi SILT ». Après deux ans d’application, la mission de contrôle de la Commission des lois du Sénat dresse le bilan et se prononce sur quatre de ses mesures à caractère temporaires, afin que le Sénat puisse décider de les pérenniser ou non. 

Des mesures expérimentales en raison de leur sensibilité

La loi « SILT loi a introduit dans le droit commun diverses mesures de l’état d’urgence. À l’initiative du Sénat, les quatre mesures considérées comme les plus sensibles au regard du respect des libertés publiques ont revêtu un caractère temporaire et arriveront à échéance le 31 décembre 2020. Il s’agit du périmètre de protection, de la fermeture des lieux de culte, des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) et des visites domiciliaires et saisies.

Une mission de contrôle au sein de la commission des Lois

Dans le cadre de sa mission de contrôle, la commission des lois du Sénat a créé, en  2017, une mission pluraliste – dont je fais partie – chargée d’assurer le suivi de la mise en œuvre des quatre mesures temporaires afin que le Sénat puisse décider, en toute connaissance de cause, avant leur expiration, de les pérenniser ou non.
Au titre de cette mission de contrôle, 13 auditions ont été réalisées ; principalement des acteurs administratifs comme judiciaires, impliqués dans la mise en œuvre des dispositions de la loi.
Elle a également réalisé 2 déplacements : l’un à Lille, pour recueillir l’expérience des acteurs de terrain ; l’autre à Bruxelles, pour observer les dispositifs de lutte antiterroriste développés dans un pays également fortement concerné par le phénomène de la radicalisation et par le terrorisme islamiste.
Au total, 32 personnes ont été entendues au cours de ses deux années de travaux.

Une application mesurée et conforme à l’esprit de la loi

Les statistiques recueillies par la mission témoignent d’une application équilibrée des nouvelles mesures.
Entre le 1er novembre 2017, date de l’entrée en vigueur de la loi, et le 31 décembre 2019  : 
  • 504  périmètres de protection ont été instaurés sur l’ensemble du territoire national
  • 7 lieux de culte ont fait l’objet d’une fermeture administrative
  • 229 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance ont été prononcées à l’encontre de 205 personnes présentant des signes de radicalisation
  • 149 visites domiciliaires ont été autorisées par le juge des libertés et de la détention et réalisées.
Sur le plan qualitatif, les quatre mesures ont été mises en œuvre dans le respect de l’esprit du législateur, qui avait souhaité limiter leur application « aux seules fins de prévention du terrorisme ».
En témoigne le faible nombre d’annulations prononcées par le juge administratif. Ainsi, au 31 décembre 2019 :

– seules 5 MICAS sur 87 ont été suspendues ou annulées ;
– les 7 recours formés à l’encontre des fermetures de lieux de culte ont été rejetés.


Quatre mesures à pérenniser et à compléter

Au cours de ses travaux, la mission a constaté un consensus de l’ensemble des acteurs concernés, judiciaires comme administratifs, sur l’efficacité des quatre mesures introduites par le législateur, dans un contexte de menace terroriste durable et élevée.

Des ajustements nécessaires destinés à en garantir la pleine efficacité

La mission conclut à la nécessité d’apporter certains ajustements ou compléments afin d’assurer la pleine efficacité de l’arsenal antiterroriste.

Elle recommander une prolongation, pour une période de deux ans, du contrôle renforcé instauré en 2017. Elle souhaite, à cette fin, que le Parlement puisse continuer à recevoir, sur une base régulière, l’ensemble des mesures prises en application de la loi et soit destinataire, à l’issue de ces deux années, d’un rapport définitif d’évaluation de la loi.
Principales propositions :Liste des propositions_SILT
1 / Les périmètres de protection : un effort d’homogénéisation à conduire

Améliorer la sécurité juridique des arrêtés préfectoraux instaurant des périmètres de protection :

  •  en dressant, en complément des modèles d’actes et instructions ponctuelles déjà diffusés, un référentiel précis à destination des préfectures, précisant les situations justifiant un périmètre de protection et les éléments nécessaires à la motivation de l’arrêté ;
  •  en donnant des instructions claires aux préfets en vue d’une transmission sans délai des arrêtés à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur.
2 /  La fermeture administrative de lieux de culte : une mesure à étendre
Étendre le champ de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure afin d’autoriser le préfet à fermer, dans les mêmes conditions que les lieux de culte, les lieux ouverts au publics qui y sont étroitement rattachés, parce qu’ils sont gérés, exploités ou financés par la même personne physique ou morale.
3 / Les visites domiciliaires et saisies administratives : une mesure efficace à ne pas fragiliser
Modifier l’article L. 228-5 du code de la sécurité intérieure afin d’autoriser, lorsque la personne fait obstacle à l’accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, la copie des données ou la saisie des systèmes informatiques concernés.
4 / Les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) : un périmètre d’emploi à clarifier

Modifier dans les plus brefs délais le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées pour y inscrire les MICAS, afin d’améliorer le contrôle par les forces de l’ordre.
Renforcer les dispositifs post-carcéraux de suivi judiciaire des condamnés terroristes, compléments nécessaires à la mise en œuvre des MICAS en :

  • introduisant une nouvelle mesure judiciaire de surveillance post-sentencielle pour les individus condamnés pour des faits de terrorisme, permettant de les soumettre, à leur sortie de détention, à des mesures de contrôle et de surveillance ;
  • renforçant les conditions du prononcé et le contenu de la peine de suivi socio-judiciaire à l’encontre des individus condamnés pour des infractions de nature terroriste, en en faisant une peine complémentaire obligatoire et en systématisant l’obligation de suivre des actions de prise en charge de la radicalisation.

 

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