Accord commercial controversé UE / Mercosur

Accord UE / Mercosur

 

L’accord trouvé le 28 juin entre les négociateurs de l’UE et ceux du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) ne porte pas sur un accord de libre-échange « autonome » mais sur le volet commercial d’un accord d’association entre les deux blocs.

Cet accord d’association comporte également un volet « dialogue politique et coopération » sur lequel les deux parties ont réitéré leur accord général début juin.

Cette précision est importante car elle a un impact sur la procédure de ratification. En effet, aux termes de l’article 218 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, le Conseil ne peut autoriser la signature et procéder à la ratification d’un accord d’association qu’à l’unanimité des Etats membres (les abstentions ne sont pas prises en compte).

La France devrait donc, en toute logique, disposer d’un droit de véto.

En outre, cet accord d’association ne contient pas uniquement des dispositions relevant de la compétence exclusive de l’UE en matière commerciale, mais également des dispositions relevant de la compétence des Etats membres. Outre sa ratification par le Parlement européen, il devra donc également être soumis à l’approbation des Parlements nationaux.

Le texte en est actuellement au stade de la révision juridique par les deux parties, qui permet d’élaborer la version définitive de l’accord. Ce processus peut être long et le traité ne sera vraisemblablement pas soumis à l’examen du Conseil, qui doit autoriser la Commission à le signer officiellement puis le ratifier, avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. L’UE pourra alors le signer officiellement, avant un vote du Parlement européen qui entraînera son entrée en vigueur provisoire. Le texte devra alors être approuvé dans chaque Etat membre.

Contenu de l’accord

 Aspects généraux

L’accord couvrira 780 millions d’habitants et un quart du PIB mondial (18 000 milliards d’euros), ce qui en fait le plus grand accord conclu jusqu’ici par l’UE. Il est notamment censé faire économiser 4 milliards d’euros de droits de douanes par an aux entreprises européennes.

Il s’agit par ailleurs du premier accord commercial conclu par le Mercosur.

Le commerce bilatéral actuel de l’UE avec le Mercosur s’élève à 88 milliards d’euros par an pour les biens (45 milliards d’exportations UE et 43 milliards d’exportations Mercosur) et à 34 milliards d’euros pour les services (23 milliards d’exportations UE et 11 milliards d’exportations Mercosur).

Ces échanges situent le Mercosur à la 10ème place des partenaires commerciaux de l’UE.

 Aspects sectoriels

L’UE et le Mercosur sont parvenus à un accord politique de principe mais le texte n’est pas encore finalisé. Il n’a donc pas encore été rendu public et tous ses détails ne sont pas encore connus.

o Concessions tarifaires sud-américaines

L’accord supprimera les droits de douane sur 91% des marchandises de l’UE exportées vers le Mercosur, notamment pour :

• les voitures (taxées jusqu’ici à 35%),
• les pièces de voiture (entre 14% et 18%),
• les machines (entre 14% et 20%),
• les produits chimiques (jusqu’à 18%),
• les produits pharmaceutiques (14%),
• les vêtements et chaussures (35%),
• les chocolats et les confiseries (20%),
• les vins (27%),
• l’huile d’olive (27%),
• les spiritueux (entre 20% et 35%),
• les boissons non alcoolisées (entre 20% et 35%),
• les fromages et produits laitiers (28% – dans la limite d’un contingent de 30 000 tonnes libéralisées sur 10 ans),
• la viande porcine (25%).

L’accord réduira ou supprimera également les droits actuellement imposés par le Mercosur sur certaines exportations vers l’UE, notamment les produits à base de soja.

o Protection des indications géographiques

Le Mercosur protègera 357 indications géographiques agro-alimentaires européennes (143 dans le CETA), contre aucune actuellement. L’UE s’engage quant à elle à protéger 220 indications géographiques du Mercosur.

o Concessions tarifaires européennes

L’accord éliminera les droits de douanes sur 92% des marchandises du Mercosur exportées vers l’UE : 100% des produits industriels (la libéralisation des droits sera progressive durant une période pouvant aller jusqu’à 10 ans selon les produits) et 82% des produits agricoles.

Concernant les produits agricoles sensibles, les droits de douane seront abaissés dans la limite des quotas suivants :

• 99 000 tonnes équivalent carcasse pour la viande de bœuf , dont 55% de produits frais et 45% de produits congelés. Dans le cadre de ce contingent, la viande sera taxée à hauteur de 7,5% sans droit additionnel . L’abaissement des droits sera étalé sur six ans ;

• 180 000 tonnes pour les volailles, dont moitié avec os et moitié sans. Dans le cadre de ce contingent, la viande sera importée libre de droits . L’abolition des droits sera étalée sur six ans ;

• 25 000 tonnes pour la viande de porc. Dans le cadre de ce contingent, la viande sera taxée à hauteur de 8,3 centimes par kilo . L’abaissement des droits sera étalé sur six ans ;

• 180 000 tonnes pour le sucre. Dans le cadre de ce contingent, le sucre sera importé libre de droits . L’abolition des droits sera étalée sur cinq ans ;

• 650 000 tonnes pour l’éthanol, dont 450 000 tonnes pour l’éthanol à usage chimique et 200 000 tonnes pour l’éthanol tous usages. Dans le cadre de ce contingent, l’éthanol sera taxé entre 3,4 euros (produit dénaturé) et 6,4 euros (produit non dénaturé) par hectolitre. L’abaissement des droits sera étalé sur six ans ;

• 60 000 tonnes pour le riz. Dans le cadre de ce contingent, le riz sera importé libre de droits . L’abolition des droits sera étalée sur six ans.

o Mécanisme de sauvegarde bilatéral

L’accord comprend un mécanisme de sauvegarde bilatéral (applicable à tous les produits, y compris agricoles) permettant d’imposer une suspension de deux ans maximum des préférences tarifaires accordées aux importations en cas d’augmentation imprévue et importante de leur volume, qui causerait ou menacerait de causer un préjudice grave à la production nationale. 

o Sécurité alimentaire, santé animale et végétale

Les normes de l’UE en matière de sécurité des aliments ne seront pas modifiées par l’accord. Il est à noter que ces normes établissent un niveau de qualité sanitaire minimal que doivent respecter tous les produits mis sur le marché de l’UE (par exemple absence ou niveau maximal de résidus de pesticides dans le produit fini). Sauf exceptions (par exemple interdiction du bœuf aux hormones ou du porc à la ractopamine), elles ne portent donc pas sur les modes de production employés dans les pays tiers exportant vers l’Europe.

Ces normes sanitaires ne seront donc pas abaissées, mais elles ne seront pas non plus renforcées, malgré les scandales sanitaires qui ont touché récemment le secteur de la viande bovine au Brésil (scandale « Carne fraca » en mars 2017 qui a mis en évidence des dysfonctionnements systémiques, notamment de corruption, sur la l’identification et traçabilité de la viande).

La Commission fait bien, à ce titre, état d’un « renforcement de la coopération avec les autorités des pays partenaires », notamment au niveau de la certification officielle, des contrôles aux frontières et de la circulation de l’information sur les risques « grâce à un système de notification plus direct et plus efficace ».

Enfin, l’accord mentionne explicitement le principe de précaution, ce qui signifie que les autorités publiques auront le droit légal d’agir pour protéger la santé des personnes, des animaux ou des végétaux ou l’environnement, en présence d’un risque perçu, même lorsque l’analyse scientifique n’est pas concluante.

o Protection de l’environnement et conditions de travail

L’accord traitera de questions telles que la gestion durable et la conservation des forêts, du respect des droits des travailleurs ou de la promotion d’une conduite responsable des entreprises.

Le texte de l’accord inclut notamment une référence explicite à l’accord de Paris, que les deux parties s’engagent à mettre en œuvre, et comprend un ensemble d’engagements contraignants en faveur de la protection de l’environnement fondés sur les accords environnementaux multilatéraux.

L’accord prévoit également l‘obligation de mettre en œuvre de manière effective les normes fondamentales de l’Organisation internationale du travail.

o Commerce des services et établissement

L’accord doit faciliter les procédures d’implantation sur le marché du Mercosur des entreprises de l’UE fournissant des services et prévoit des mesures assurant des conditions de concurrence équitables par rapport à leurs concurrentes sud-américaines.

o Marchés publics

Les pays du Mercosur ouvriront leurs marchés publics aux entreprises européennes et des règles sont établies concernant la transparence des appels d’offres. 

 

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture