Brexit : point d’étape du mois de mai

Brexit : que s’est-il passé au mois de mai?

Theresa May a annoncé le 24 mai sa démission de la tête du gouvernement britannique, prenant acte de l’échec des négociations transpartisanes menées depuis avril. Son successeur sera connu à la fin du mois de juillet. La probable désignation d’un Brexiter dur (Boris Johnson ?) devrait écarter définitivement l’hypothèse d’un accord avec l’opposition, sans pour autant résoudre les divisions internes du parti conservateur. Le lourd échec des Tories et la large victoire du Brexit Party aux élections européennes combinée à celle, relative, des libéraux démocrates en faveur d’un nouveau référendum, pourraient par ailleurs accentuer la polarisation de la scène politique britannique et enterrer toute chance de compromis.

1. Theresa May démissionnera de la tête du gouvernement le 7 juin

Incapable d’obtenir un compromis sur l’accord de retrait qu’elle avait obtenu auprès de Bruxelles en novembre 2018, Theresa May a annoncé le 24 mai, émue, sa démission. Celle-ci interviendra le 7 juin, après la visite du président américain Donald Trump et les cérémonies marquant l’anniversaire du Débarquement allié en Normandie. Constatant son échec, la première ministre a déclaré qu’il est « de l’intérêt du pays qu’un nouveau premier ministre conduise cette tâche ». « Mon successeur devra aboutir à un consensus. Ce consensus sera possible seulement si, des deux côtés du débat, on accepte un compromis », a-t-elle prévenue.
Cette séquence intervient après une nouvelle déconvenue pour Theresa May, qui avait dû renoncer le 23 mai à présenter au Parlement son projet de loi pour la mise en œuvre de l’accord de retrait.
Celui-ci devait offrir au Parlement la possibilité de se prononcer sur différentes options, en particulier sur le maintien dans une union douanière et sur un second référendum. Le texte avait fait l’objet de fortes critiques tant des députés travaillistes que des conservateurs eurosceptiques, et avait entraîné la démission de la ministre chargée des relations avec le Parlement, Andrea Leadsom.
Theresa May et le président du parti, Graham Brady, se sont accordé sur la procédure d’élection du futur chef du parti qui commencera le 10 juin pour une prise de fonction avant la fin du mois de juillet. Elle se déroulera en deux temps : les députés sélectionneront les 2 meilleurs candidats que les 125 000 adhérents du parti départageront. Un vote formel de la Chambre des Communes ne sera pas nécessaire, la manifestation du soutien des députés conservateurs et du DUP sera suffisante.
Les Européens ont salué le courage et la détermination de Theresa May, mais répété, tout comme la Commission, leur ferme intention de ne pas rouvrir les négociations sur l’accord de retrait.

Michel Barnier, le négociateur en chef de l’Union européenne pour le Brexit, a exprimé son « plein respect pour Theresa May et sa détermination, en tant que Première ministre, à travailler en faveur d’un retrait ordonné » du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le président Emmanuel Macron a appelé à « une clarification rapide sur le Brexit » ; tandis que le premier ministre néerlandais Mark Rutte a indiqué que « l’accord de retrait n’ (était) pas rouvert à la négociation ». Seule Angela Merkel s’est montrée plus prudente, promettant d’œuvrer à un « Brexit ordonné ».

2. La désignation d’un nouveau premier ministre ne devrait pas favoriser l’obtention d’un compromis.

D’une manière générale, les profils des candidats relancent le risque d’un Brexit sans accord au 31 octobre. L’ex-ministre des Affaires étrangère, Boris Johnson, fait figure de grand favori pour remplacer Mme May. Populaire chez les militants de base, il a assuré que le Royaume-Uni quittera « l’UE le 31 octobre, qu’il y ait accord ou non ». Éphémère ministre du Brexit en 2018, Dominic Raab s’inscrira dans ce processus de sélection. Eurosceptique dur, il souhaite imposer à Bruxelles de nouvelles négociations sur un nouvel accord « plus juste », et s’est dit prêt à mener le Royaume-Uni vers un retrait sans accord.

Plus souple et soutien de l’accord négocié avec Bruxelles, Michael Gove, Brexiter de 51 ans, est aussi un candidat crédible. Ex-lieutenant de Boris Johnson, il n’a cependant pas encore indiqué quelle orientation il donnerait au Brexit. Finaliste malheureuse dans la course au poste de chef du gouvernement en 2016, Andrea Leadsom fait elle aussi partie des favoris, promettant de tout faire pour obtenir un meilleur accord auprès de Bruxelles et d’acter le retrait Britannique le 31 octobre, quoi qu’il en soit. Parmi ceux qui avaient voté en faveur du Remain en 2016, le ministre des Affaires étrangères Jérémy Hunt a soutenu l’accord négocié par Theresa May et a affirmé sa volonté de mener le Royaume-Uni vers une sortie ordonnée. À noter aussi les candidatures des ministres Rory Stewart et Matt Hancock, qui se sont prononcés en faveur d’une sortie ordonnée, ainsi que celle possible du ministre de l’Intérieur Sajid Javid.

Malgré la désignation d’un nouveau leader, les divisions du parti conservateur demeureront
cependant et pourraient être exacerbées en cas de désignation, très probable, d’un Brexiter dur.

Ce dernier devra en effet composer avec la volonté des députés Tories modérés qui assortiront leur
soutien à des conditions sur son positionnement futur sur le Brexit.
Par ailleurs, les contraintes auxquelles faisaient face Theresa May sont toujours d’actualité : le Parlement devrait continuer à s’opposer à une sortie sans accord et fera peser la menace d’une motion de censure sur le futur gouvernement si un no-deal se profile.

L’impasse sur le backstop n’a par ailleurs pas été résolue, alors que le futur gouvernement ne pourra se former sans le soutien du DUP. Enfin, les résultats des élections européennes (cf infra) couplés à ceux des élections locales de mai font peser un vrai risque électoral sur de nombreux députés conservateurs qui devraient s’opposer fermement à de nouvelles élections générales, demandées par le Labour.

3. Élections européennes

Le Brexit Party du populiste Nigel Farage, partisan d’une rupture nette avec l’Union européenne, arrive nettement en tête des européennes au Royaume-Uni avec 31,6 % des voix. Se félicitant de sa « large victoire », Nigel Farage a demandé à « faire partie de l’équipe » britannique qui négocie avec Bruxelles et a écarté un rapprochement électoral avec les Tories, répétant sa défiance envers ce parti « incapable de concrétiser le Brexit ». Leurs opposants anti-Brexit, les lib-dems de Vince Cable, arrivent en seconde position et passent à 20 % – et même à 27 % à Londres. Succès également pour les Verts qui rassemblent 12,4% des voix.
La défaite est cependant sévère pour les deux grands partis traditionnels. En troisième position, les travaillistes chutent à 14%. Les conservateurs enregistrent le score le plus bas de leur histoire, avec seulement 9,1% des suffrages. Plusieurs cadres Tories, dont Boris Johnson, Dominic Raab ou Andrea Leadsom ont interprété ces résultats comme une manifestation de la volonté des Britanniques de sortir définitivement de l’UE, accord ou non. 

Selon plusieurs observateurs, ce vote indique un rejet général de l’orientation donnée au Brexit par les deux partis traditionnels, en particulier chez les supporters du Brexit. Cette polarisation de la scène politique entre pro et anti Brexit réduit considérablement les chances d’obtenir un compromis sur une sortie ordonnée. Les conservateurs devraient s’appuyer sur la ligne dure prônée notamment par Boris Johnson et ne pas poursuivre la recherche d’un accord avec l’opposition tandis que le Labour pourrait se ranger en faveur d’un nouveau referendum.

Prochaines échéances :
– 10 juin : début de la procédure de désignation du nouveau chef du parti conservateur, qui deviendra premier ministre ;
– 20-21 Juin 2019 : Conseil européen ;
– Fin juillet : nomination du nouveau premier ministre (vacances parlementaires le 24 juillet) ;
– 31 octobre : date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne avec ou sans accord ;
– 31 décembre 2020 : en cas d’adoption de l’accord de retrait, fin de la période de transition (possibilité de prorogation de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2022).

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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