Actualités du Brexit
1. Demande britannique d’extension de l’article 50 : « flextension »
Le 5 avril, Theresa May a adressé une lettre au Président du Conseil européen Donald Tusk pour demander un report de la date de sortie du Royaume-Uni jusqu’au 30 juin prochain. La Première ministre britannique a demandé un report court pour ne pas heurter l’aile la plus favorable au Brexit de son gouvernement. Aux termes des conclusions du Conseil européen du 21 mars, le Parlement britannique n’ayant pas validé l’accord de retrait, la sortie aurait, sinon, pu avoir lieu sans accord le 12 avril ; si le Parlement avait validé l’accord de retrait, la sortie serait intervenue le 23 mai. Theresa May, dans sa lettre, s’engageait à mener « les préparatifs responsables » en vue de participer aux élections européennes, mais espérait avoir fait ratifier l’accord auparavant.
Le Président du Conseil européen Donald Tusk, au rebours de la position de certains Etats-membres, dont la France, a pris l’initiative de proposer une « extension flexible » de l’article 50, jusqu’au printemps 2020 si nécessaire, donnant la faculté pour le Royaume-Uni de reporter la date de sortie autant de fois qu’il serait nécessaire jusqu’au printemps 2020. Cette proposition a été débattue au Conseil européen du 10 avril. Le 9 avril, Theresa May s’était rendue à Berlin puis à Paris pour convaincre Angela Merkel et Emmanuel Macron du bien-fondé de sa demande. Les présidents des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes du Sénat avaient adressé au Président de la République, le 9 avril, une lettre recommandant une réponse ferme du Conseil européen à la demande britannique et prônant un report de courte durée.
2. Les résultats du Conseil européen du 10 avril 2019
Lors de sa réunion du 10 avril, le Conseil européen a octroyé aux Britanniques un délai supplémentaire qui court désormais jusqu’au 31 octobre 2019. Il s’agit d’un délai flexible, ce qui signifie que dès que l’accord de retrait sera ratifié par le Parlement britannique, le Royaume-Uni pourra sortir de l’Union le premier jour du mois suivant la ratification.
Le Conseil européen a souhaité que cette extension ne nuise pas au bon fonctionnement de l’Union et de ses institutions, ce qui implique que le Royaume-Uni – si l’accord de retrait n’est pas voté avant le 22 mai prochain – devra procéder à l’élection de ses députés européens le 23 mai. S’il se soustrayait à cette obligation, le retrait deviendrait automatique le 1er juin 2019.
L’accord de retrait ne sera pas renégocié. En revanche, l’Union se dit ouverte à revoir la Déclaration politique en fonction de l’évolution de la position britannique. Pendant la période d’extension, le Royaume-Uni reste un État membre jouissant de tous ses droits et engagé par toutes les obligations propres à un État membre. Il peut à tout moment révoquer l’article 50.
Le Royaume-Uni s’engage à coopérer loyalement « de manière responsable et constructive » pendant cette période d’extension et à s’abstenir de toute manœuvre qui pourrait mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union, en particulier lorsqu’il participe au processus de décision de l’Union. Le prochain Conseil européen prévu en juin 2019 mesurera l’évolution de la situation.
3. La proposition de loi de la travailliste Yvette Cooper
Le 4 avril, la députée travailliste Yvette Cooper a réussi à faire voter, en une seule journée et à une voix près, une proposition de loi exigeant une extension de l’article 50 pour éviter une sortie sans accord. Cette proposition est devenue loi le lundi 8 avril, au soir d’une longue journée à la Chambre des Lords. Cette loi oblige la Première ministre Theresa May à recueillir l’approbation de l’extension au moyen du dépôt d’une motion contenant la durée de l’extension. Le Parlement pourrait alors modifier cette date.
4. Les négociations de la Première Ministre avec Jeremy Corbyn en vue de l’adoption de l’accord de retrait par le Parlement britannique
La Première Ministre Theresa May s’est engagée dans la négociation d’un compromis avec l’opposition, destiné à faire émerger une majorité transpartisane pour voter l’accord de retrait. Cependant, Theresa May se heurte à deux écueils : l’opposition de son parti réticent à négocier avec le parti travailliste et les exigences du même parti travailliste qui préconise une union douanière avec l’Union européenne et peut-être même un nouveau référendum dit « d’approbation » de l’accord de retrait.
Lors des négociations entre Theresa May et Jeremy Corbyn, David Lidington, ministre d’État au bureau du cabinet, aurait cherché à convaincre les travaillistes que l’accord de retrait était déjà en lui-même une union douanière qui ne disait pas son nom, ce qui a provoqué l’ire de l’aile droite du Parti conservateur. Cette dernière se voyait confirmée dans son analyse de l’accord de retrait qu’elle avait d’abord refusé farouchement avant de s’y rallier pour sauver le Gouvernement.
Une partie du Gouvernement fera tout pour éviter un nouveau référendum.
À ce stade, soit Theresa May trouve une majorité transpartisane en concluant un accord avec le Parti travailliste et l’accord de retrait est voté ; soit elle ne trouve pas de majorité et une sortie sans accord se profile ; ou alors une suspension de l’article 50 avec, à la clé, un nouveau référendum (peu probable) ou des élections législatives anticipées (scénario également peu probable). La sortie sans accord parait donc toujours aujourd’hui l’option la plus probable.
On sait que le Parti travailliste a souligné l’absence de bonne volonté de la part du gouvernement sur le fond et notamment son refus à ce stade de modifier le texte de la déclaration politique. Le Parti travailliste a posé cinq demandes :
– une union douanière permanente ;
– un alignement dynamique sur les droits des travailleurs et les normes environnementales de l’Union européenne ;
– un référendum de confirmation de l’accord qui serait trouvé entre les deux partis ;
– des assurances législatives sur la validité des engagements qui seraient pris par Theresa May via cet accord, de manière à ce qu’un nouveau Premier ministre ne puisse revenir sur l’accord trouvé ;
– l’obligation de faire adopter par le Parlement le mandat de négociation sur la future relation commerciale entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
5. En France, six ordonnances ont été publiées afin de réduire l’impact du Brexit et un projet de loi sera examiné concernant le nombre des députés européens
La loi n° 2019-30 du 19 janvier 2019 habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne visait à parer au plus pressé, face à la perspective d’un Brexit – avec ou sans accord – dans un proche avenir.
Les quatre articles de ce texte permettent aux autorités françaises, dans le champ de compétence des États membres et dans celui relevant du domaine de la loi, de réagir à toutes les éventualités.
Enfin, le gouvernement a annoncé le dépôt d’un projet de loi électoral, en vue de son adoption mi-mai au Parlement, dans l’hypothèse d’une élection de députés européens britanniques (et prévoyant deux hypothèses : l’une où siègeraient 74 députés français européens, l’autre 79).
Prochaines échéances :
– 23-26 mai : élections au Parlement européen ; elles seront également organisées par le Royaume-Uni si l’accord de retrait n’est pas ratifié par le Parlement britannique avant le 22 mai ;
– 1er juin : sortie sans accord du Royaume-Uni s’il n’élit pas ses députés européens alors que l’accord de retrait n’a pas été ratifié ;
– 20-21 juin 2019 : Conseil européen ;
– 31 octobre : date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne avec ou sans accord ;
– 31 décembre 2020 : en cas d’adoption de l’accord de retrait, fin de la période de transition (possibilité de prorogation de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2022).