Brexit : trois scénarios demeurent possibles

 

Actualités du Brexit 

La situation demeure toujours bloquée entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Theresa May s’est rendue à Bruxelles le 7 février afin de tenter de renégocier l’accord de retrait avec les institutions européennes et de proposer des solutions alternatives au backstop. La première ministre s’est heurtée à un refus ferme des Vingt-Sept. Dans ce contexte, l’hypothèse d’un Brexit sans accord est de plus en plus probable et envisagé de manière croissante par les entreprises britanniques.

  1. Retour de Theresa May à Bruxelles : l’Union Européenne reste ferme

Le Parlement lui en ayant donné mandat le 29 janvier, Theresa May est revenue à Bruxelles le 7 février pour renégocier l’accord de retrait, et tenter de proposer des alternatives au backstop qui pourraient être (i) une limite temporelle du backtsop ; (ii) un mécanisme de sortie unilatérale du dispositif, (iii) une refonte du backstop selon un plan proposé par des députés britanniques (compromis Malthouse, du nom du député conservateur Kit Malthouse).

La première ministre s’est heurtée au refus du président de la Commission Jean-Claude Juncker qui a confirmé que les Vingt-Sept ne rouvriront pas l’accord de retrait. Mme May s’est aussi entretenue avec le référent Brexit du Parlement européen Guy Verhofstadt et le président du Conseil Donald Tusk dont les déclarations récentes ont ému le Royaume-Uni (« Je me demande à quoi cette place spéciale en enfer ressemble, pour ceux qui ont fait la promotion du Brexit sans même l’ébauche d’un plan pour le réaliser en toute sécurité»).  L’Union européenne a répété qu’elle ne ferait aucune concession ni sur ses lignes rouges, ni sans assurance d’une majorité pour soutenir l’accord final au Royaume-Uni.

Les deux parties ont prévu de poursuivre activement les discussions : Michel Barnier s’entretient le 11 février avec Stephen Barclay, secrétaire britannique au Brexit ; Theresa May et Jean-Claude Juncker se retrouveront avant la fin du mois de février. La première ministre doit présenter le 13 février les conclusions de ses négociations avec les Européens à la Chambre des Communes.

Dans une lettre adressée à la première ministre, le leader travailliste Jeremy Corbyn s’est dit prêt à soutenir l’accord négocié avec Bruxelles à condition de modifier la déclaration politique sur les relations futures avec l’UE. Si les modifications demandées restent difficilement conciliables avec les lignes rouges de Theresa May, M.Corbyn se montre plus ouvert, ne demandant plus qu’un alignement « étroit » au marché unique et non un accord offrant les « mêmes avantages » que le marché unique.

Le 11 février, M. Barnier a réaffirmé que l’accord de retrait  n’était « pas ouvert à une renégociation », rappelant que l’UE était prête à des modifications de la déclaration politique traçant les contours de la future relation entre Londres et les 27. « Si le Royaume-Uni veut démontrer davantage d’ambitions » concernant cette future relation, « nous sommes immédiatement prêts à être plus ambitieux » a déclaré M. Barnier, faisant allusion à la lettre du chef de l’opposition travailliste à la Première ministre britannique indiquant que son parti soutiendrait l’accord de divorce si le pays restait dans l’union douanière, ajoutant que « la chambre des Lords aussi est sur cette ligne« .

A 45 jours du Brexit, trois scénarios demeurent possibles :

–        l’accord est finalement ratifié tel quel par le Parlement britannique, avec éventuellement une déclaration interprétative annexée précisant le caractère temporaire du backstop (mais sans date limite) ;

–        la date de retrait est repoussée, à la demande du Royaume-Uni, et si le Conseil européen l’accepte à l’unanimité. Auditionnée le 31 janvier par le groupe de suivi sur le Brexit, Mme Sandrine Gaudin, Secrétaire générale pour les affaires européennes, a indiqué qu’un report non motivé (« prolongation de confort ») ne serait pas accepté par les États membres ;

–        Le Royaume-Uni sort de l’Union sans accord. Les mesures de contingence préparées au niveau européen et national seront alors mises en œuvre.

 

  1. Sortie sans accord : une hypothèse de plus en plus redoutée par les entreprises et les marchés au Royaume-Uni

La Banque d’Angleterre a publié le 7 février son rapport trimestriel sur l’inflation. Le taux de croissance pour 2019, estimé à 1,7% en novembre 2018, a été revu à la baisse (1,2%). Le taux d’investissement des entreprises devrait par ailleurs chuter de 2,75%. La Banque d’Angleterre explique ces évolutions négatives par un ralentissement de l’économie mondiale mais surtout par les fortes incertitudes liées au Brexit.

Ce même rapport a réalisé une enquête auprès de 200 entreprises britanniques afin d’évaluer le taux de préparation des entreprises britanniques à une sortie sans accord du Royaume-Uni. Si la plupart des entreprises interrogées ont un « plan » établi ou en cours de développement, seule la moitié a commencé à  le mettre en œuvre. Toutes les entreprises s’attendent par ailleurs à une chute du taux d’emploi et des résultats en cas de Brexit sans accord.

Selon une enquête de l’Institute of Directors menée auprès de 1202 entreprises en janvier, 11% des entreprises interrogées ont déjà relocalisé une partie de leurs activités en dehors du Royaume-Uni. Ce chiffre monte à 21% s’agissant des grandes entreprises (plus de 250 employés). 5% du total s’apprêtent à le faire, et 13% l’envisagent. Les secteurs les plus concernés sont la finance et l’assurance (17% ont déjà relocalisé), l’industrie manufacturière (14%), les services aux entreprises (14%) et l’information et la communication (10%). D’autres secteurs non financiers pourraient connaitre des mouvements importants. 25% des entreprises du secteur de la santé et de l’action sociale prépareraient ou envisageraient ainsi une relocalisation.

Alors qu’il s’y était engagé en octobre 2016, le constructeur automobile Nissan a par ailleurs annoncé le 3 février renoncer à produire son modèle X-Tray dans son usine de Sunderland. Le président Europe du groupe invoque des raisons commerciales, ainsi que l’incertitude persistante quant aux relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni. 741 postes auraient dû être créés. Si aucune usine n’a encore été déménagée, le secteur automobile est particulièrement inquiet du Brexit. Le groupe Ford estime ainsi à 700 millions d’euros ses pertes en cas de retrait sans accord.

  1. La préparation au no-deal se poursuit en France

Suite à la loi d’habilitation votée le 19 janvier 2019, plusieurs ordonnances ont été publiées pour préparer au niveau national un départ sans accord du Royaume-Uni :

–        23 janvier : procédures simplifiées pour que les infrastructures de contrôle à la frontière soient prêtes au 30 mars (incluant notamment le recrutement de 580 personnels supplémentaires) ;

–        30 janvier : ordonnance visant à permettre la poursuite de la fourniture de matériels de défense et spatiaux au Royaume-Uni ;

–        6 février : ordonnance visant à permettre aux personnes établies au Royaume-Uni, sous réserve de réciprocité, des opérations de transport routier et ferroviaire de marchandises ou de personnes sur le sol national ;

–        6 février : maintien du statut (droits de séjour, de travail, droits sociaux..) des citoyens britanniques résidant en France pour une durée d’un an à compter du 30 mars, sous réserve de réciprocité ;

–        6 février : ordonnance visant à assurer la liquidité dans les secteurs financiers critiques.

Le Premier ministre a par ailleurs annoncé que ces mesures devraient s’accompagner d’un plan d’investissement et d’organisation pour les ports et aéroports français.  

 

Prochaines échéances

–        13 février : déclaration de la première ministre à la Chambre des communes et dépôt d’une « motion neutre » amendable ;

–        14 février : débat et vote sur les amendements à la motion du gouvernement ;

–        29 mars: Sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne ;

–        31 décembre 2020 : en cas d’adoption de l’accord de retrait, fin de la période de transition (possibilité de prorogation de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2022)

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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