Brexit J-100

A cent jours du Brexit, l’incertitude du votre britannique sur l’accord de retrait hypothèque toujours la possibilité d’un retrait ordonné du Royaume-Uni de l’Union européenne au 30 mars 2019.

1. L’autorité de la Première ministre renforcée ?

Le report du vote sur le texte de l’accord de retrait et sur la déclaration politique au Parlement britannique souhaité par la Première ministre britannique, Theresa May, a eu pour effet collatéral l’organisation d’un vote de défiance à son encontre au sein du Parti conservateur, dont elle est issue. Déclenché à la demande d’au moins 15 % des membres du groupe parlementaire (soit 48 députés), le scrutin, qui s’est tenu le 12 décembre, a permis à Mme May d’obtenir le soutien de 200 députés conservateurs contre 117.
Cette victoire, obtenue en partie grâce à une concession sur son départ à l’occasion des élections générales de 2022, souligne néanmoins une défiance d’un tiers du groupe parlementaire à l’égard de la Première ministre, soit un nombre de députés dépassant largement le camp de ceux favorables à un Brexit sans concession. L’autorité de Theresa May ne pourra cependant, aux termes des statuts du Parti conservateur, être remise en cause avant un an.
À l’issue de ce vote, la Première ministre a pu rejoindre Bruxelles pour tenter d’obtenir, de la part du Conseil européen réuni les 13 et 14 décembre, des assurances quant à la mise en œuvre du backstop, principal point de difficulté au Parlement britannique. Toutefois, elle n’a pas obtenu de modifications substantielles permettant d’infléchir significativement le sens du vote.

2. Les conclusions du Conseil européen du 14 décembre confirment l’absence de réouverture des négociations

Le Conseil européen, réuni en format UE 27 le 14 décembre, a rappelé dans ses conclusions que l’accord de retrait négocié le 25 novembre dernier ne pouvait être ni rouvert, ni renégocié. Les Etats membres ont néanmoins précisé les contours du backstop, en insistant sur le fait qu’il était conçu comme une « police d’assurance » destinée à empêcher la mise en place d’une frontière entre les deux Irlande et assurer, dans le même temps, l’intégrité du marché unique. Il s’agit d’une « solution de dernier recours » qui ne serait activée qu’à la condition qu’aucun arrangement autre ne puisse être trouvé pour éviter la création d’une frontière physique. Le filet de sécurité, une fois mis en œuvre, pourra être remplacé par tout accord ultérieur permettant de répondre à ses objectifs.

Le Conseil européen a rejeté le principe d’une date limite pour l’application du backstop. La conclusion d’un accord de libre-échange d’ici au 31 décembre 2020 pourrait, en revanche, permettre de ne pas déployer le filet de sécurité. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a appelé, de son côté, à une accélération des discussions en vue d’aboutir à un accord sur la relation future.
Les conclusions du Conseil européen n’écartent pas, pour autant, l’hypothèse d’un retrait sans accord et appellent à une intensification des travaux sur la préparation, « à tous les niveaux » aux conséquences d’une sortie sans accord ou hard Brexit. La Commission européenne devrait présenter, le 19 décembre, de nouveaux documents en ce sens. En France, le Parlement sera appelé prochainement à adopter définitivement, dans le texte issu de la commission mixte paritaire, le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation nécessaires.

3. La suite du processus au Royaume-Uni reste largement incertaine

De l’avis de nombreux observateurs, les conclusions du Conseil ne devraient pas permettre à la Première ministre de bouleverser les équilibres en présence au Parlement et même au sein de son parti.
L’hypothèse d’un second referendum, avancée notamment par l’ancien Premier ministre Tony Blair, n’est pas, pour autant, envisagée aujourd’hui par Mme May, qui juge qu’une nouvelle consultation constituerait une « insulte » envers le peuple britannique. L’organisation d’un référendum, soutenue par le Labour, n’est pas sans susciter certaines interrogations quant à l’intitulé de la question, aux risques de division marquée au sein de la société britannique en cas de résultat serré mais aussi à la date de sa tenue, le retrait du Royaume-Uni étant effectif dans un peu plus de trois mois.
Le projet d’accord de retrait devrait, en tout état de cause, être présenté devant le Parlement britannique pour approbation à la mi-janvier (meaningful vote).

Deux options sont ouvertes :
– Un vote du texte ouvrant la voie à un retrait ordonné pourrait lancer les débats parlementaires sur le projet de loi de transposition de l’accord fin janvier – début février ;
– Un rejet pourrait conduire le Gouvernement à présenter avant le 21 janvier une feuille de route sur la sortie sans accord, le Parlement pouvant décider dans le même temps d’adopter un nouveau mandat de négociation ou d’organiser un nouveau référendum.

Prochaines échéances
– Semaine du 15 janvier 2019 : vote au Parlement britannique ( ?)
– 21 janvier 2019 : date butoir de présentation d’une feuille de route gouvernementale en cas d’absence d’accord prévue par la loi britannique de retrait de l’Union européenne
– 29 mars 2019 : Sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne
– 31 décembre 2020 : En cas d’adoption de l’accord de retrait, fin de la période de transition (possibilité de prorogation de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2022)

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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