Alors que la limitation de vitesse à 80km/h sur les routes secondaires entrera en vigueur au 1er juillet 2018, le Sénat a créé un groupe de travail conjoint relatif à la sécurité routière.
Entretien avec Michel Raison, co-président de ce groupe de travail.
Le Gouvernement a annoncé au mois de janvier un plan comportant 18 mesures pour lutter contre l’insécurité routière, dont l’abaissement de 90 km/h à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires, à compter du 1er juillet 2018. Quelle est la position de votre groupe de travail sénatorial pour donner une nouvelle impulsion à cette politique ?
Le Sénat partage pleinement la volonté du Gouvernement de réduire l’insécurité routière. Pour ce faire, il est essentiel de veiller à prendre des mesures ayant un « impact significatif » afin qu’elles soient comprises et donc acceptées par la majorité des usagers de la route.
Dénuée de toute pédagogie, marquée par une communication culpabilisante, l’attitude du Gouvernement n’a pas manqué de susciter de nombreuses incompréhensions, doutes ou inquiétudes.
Le groupe de travail a eu dans ce contexte pour objectif de réunir les éléments d’information nécessaires pour évaluer, sans a priori, l’utilité réelle de la généralisation du passage à 80 km/h.
Quelles sont les préconisations formulées par le groupe de travail sénatorial ?
Le rapport sénatorial, adopté à l’unanimité des membres des deux commissions, a été présenté le 19 avril. Il propose que la décision d’abaissement de la vitesse soit décentralisée au niveau des départements, afin de l’adapter aux réalités des territoires et de la cibler sur les tronçons accidentogènes. C’est également la position de l’Association des Départements de France.
Cette proposition d’efficacité a également été reprise, il y a quelques jours, par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, dont le ministère est chargé de définir et de mettre en oeuvre la politique en matière de sécurité et d’éducation routière !
Que demandez-vous au Gouvernement ?
Le groupe de travail rencontrera le Premier ministre, Edouard Philippe, le 14 juin. A cette occasion, nous lui présenterons nos conclusions et espérons qu’il entendra la voix du pragmatisme. Il faut qu’il fasse confiance aux acteurs de terrain qui, comme lui, n’ont d’autre objectif que de sauver des vies.
Comprenez-vous le mécontentement grandissant de la part des élus et des usagers ?
La colère n’est pas surprenante. En dépit de notre appel à la pédagogie, le Gouvernement a préféré la force en imposant une mesure sans en produire les fondements scientifiques. Pourtant, dans le domaine de la sécurité routière, le consensus social est essentiel.
Un rapport d’information de l’Assemblée Nationale paru en 2011 explique que l’acceptabilité d’une mesure de sécurité routière dépend de trois facteurs : la bonne information de ses destinataires sur ses tenants et aboutissants, la conviction partagée de son équité et la perception de son efficacité. Si une des conditions n’est pas remplie – information, équité, efficacité – la controverse est quasi systématique et la mesure n’est plus efficace, elle devient même contre-productive.