Jeudi 13 juillet, le Sénat a adopté en 1ère lecture et à la quasi unanimité les projets de loi “rétablissant la confiance dans l’action publique”, renommés “pour la régulation de la vie publique”.
En examinant au total plus de 600 amendements en commission et en séance publique, le Sénat a pleinement contribué a modifier et à enrichir ces textes dont il a avalisé les mesures-phares.
Il n’est pas inutile de rappeler que, depuis 1985, une trentaine de lois relatives à la régulation de la vie publique ont été adoptées, bien souvent en réaction à l’émergence d’une « affaire ».
La Commission Mixte Paritaire réunie mardi 1er août est parvenue à un accord sur le projet de loi ordinaire, mais pas sur le projet de loi « organique », qui traite en particulier du point très discuté de la réserve parlementaire.
Le premier texte a été définitivement adopté ce jeudi 3 août, le second d’ici mercredi 9 août dans sa rédaction « Assemblée », la session extraordinaire ayant été prolongée en conséquence.
La réserve parlementaire : pomme majeure de discorde entre le Sénat et l’Assemblée nationale
Le Sénat a proposé de créer, en substitution de la “réserve parlementaire” supprimée par le projet de loi, une dotation de soutien à l’investissement réservée aux communes et à leurs groupements (afin de ne pas pénaliser davantage les communes modestes) qui serait attribuée par l’État de façon pleinement transparente (définition de 6 critères d’éligibilité à cette dotation, publication en open data de la liste des projets proposés, etc.) ;
L’Assemblée a supprimé ce mécanisme alternatif proposé par le Sénat et rétabli sa version initiale.
Tout se joue désormais sur cette question de la réserve parlementaire, devenue une sorte de « totem » pour ses partisans et ses adversaires, chacun avançant des arguments légitimes.
Ce sujet demeure et demeurera d’actualité car « supprimer » la réserve parlementaire relève à mon sens d’une mauvaise manière de légiférer car la réserve parlementaire :
- n’existe pas en tant que telle ; Ce que l’on appelle « réserve parlementaire » résulte en réalité d’un amendement budgétaire chaque année au projet de loi de finances ;
- n’est pas visée comme relevant du fonctionnement des institutions, comme doivent l’être suivant la Constitution les sujets traités par tout projet de loi organique. À mon sens une loi organique pouvait aménager mais n’a pas qualité pour supprimer. Toute loi organique étant soumise obligatoirement à l’appréciation du Conseil constitutionnel , il est à mon sens probable que le Conseil Constitutionnel censure la « suppression » et que nous retrouverons intact le sujet au mois d’octobre…
Dans tous les cas, la suppression ne pourra avoir d’effet sur les attributions faites en 2017 conjointement avec mon collègue T Carcenac.
Accord entre les deux chambres sur les mesures relatives à l’exercice du mandat parlementaire : IRFM, missions temporaires, emplois de collaborateurs, …
Le Sénat a entériné et enrichi ce volet du texte en votant des mesures, reprises par l’Assemblée, visant à :
- Rembourser aux frais réels (sur présentation de justificatifs et dans la limite de plafonds) en modifiant le caractère forfaitaire de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) ;
-
élargir le nombre de cas dans lesquels il est fait interdiction aux parlementaires et aux titulaires de fonctions exécutives locales (maires, présidents d’EPCI, de départements et de régions) d’employer des membres de leur famille proche comme collaborateurs ;
- supprimer la possibilité pour le Gouvernement de confier aux parlementaire des missions temporaires.
- préciser le cadre juridique d’emploi des collaborateurs parlementaires (définition du poste) et la mise en œuvre d’un dialogue social entre collaborateurs et parlementaires.
Réhaussement par le Sénat des exigences de probité pour les membres du Gouvernement
Sur ce volet du texte, l’Assemblée nationale n’a pas suivi le Sénat qui avait pourtant introduit des mesures utiles destinées à :
- renforcer les dispositifs de contrôle de la probité des membres du Gouvernement, par exemple en créant un registre des « déports » pour les ministres estimant sur tel sujet pouvoir être en conflit d’intérêts ;
- supprimer le « verrou de Bercy » qui donne à l’administration fiscale le monopole du déclenchement de poursuites pénales en matière fiscale ;
- prévenir et traiter les conflits d’intérêt et la pratique dite du « pantouflage », en instaurant une batterie de mesures dont des délais obligatoires avant de pouvoir passer du public au privé et vice-versa ;
Accords sur le renforcement de la transparence du financement des partis politiques
Le seul point majeur de désaccord entre les deux assemblées sur ce volet concerne la création d’une « banque de la démocratie », dont l’objectif est de permettre aux partis politiques de trouver des financements pour leur campagne.
Le Sénat a estimé que le Gouvernement n’était pas en mesure de suffisamment préciser les contours de sa demande d’habilitation (ordonnance) et y avait substitué des mesures concrètes aux difficultés pratiques des candidats et de leurs mandataires lors des campagnes électorales, par exemple en facilitant l’ouverture et le fonctionnement du compte bancaire ou postal qu’un mandataire est tenu d’ouvrir pour une campagne électoral ;
Ce cas mis à part, le Sénat et l’Assemblée se sont accordés pour :
- publier en open data les comptes des partis et groupements politiques et instituer une sanction pénale de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende pour les partis et groupements politiques ne déposant pas leurs comptes devant la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ;
Dans le 2ème cas, il s’agit de lutter contre le phénomène des « partis fantômes » et « micro-partis de convenance » (il existe aujourd’hui quelque 451 partis politiques en France !)
- d’interdire aux personnes qui ne sont ni citoyennes françaises ni résidentes françaises ou vis-à-vis desquelles l’administration française n’a pas la capacité de s’assurer de l’origine des revenus de participer au financement de la vie politique française ; Il s’agit ici de compléter l’interdiction, en vigueur depuis 1995, des dons faits par des personnes morales aux partis et groupements politiques.
Nouvelles règles d’éligibilité pour les candidats : un accord de fond derrière des désaccords techniques
En séance publique, le Sénat a étendu l’obligation de peine complémentaire d’inéligibilité pour les candidats à une élection (prévue dans le texte initial) aux délits de harcèlement sexuel et moral, aux cas d’infractions de grande délinquance économique et financière et aux délits d’abus de biens sociaux ;
Le Sénat a préféré cette solution à la mesure consistant à imposer un casier judiciaire vierge aux candidats à une élection, compte tenu du fort risque d’inconstitutionnalité d’une telle disposition.
L’Assemblée a adopté une mesure « hybride » qui reprend le mécanisme proposé par le Sénat et y ajoute un report systématique des condamnations listées au casier judiciaire B2.