Audition de la nouvelle Ministre des affaires européennes

Photo prise à l’occasion de l’audition de Mme Nathalie Loiseau, Ministre chargée des Affaires européennes, le 27 juin 2017

La nouvelle ministre chargé des Affaires européennes est une diplomate dont le dernier poste était la direction de l’ENA.

Elle a souligné que le dialogue entre le Parlement et le Gouvernement était destiné à renforcer notre action à Bruxelles et que le 7 mai avait marqué un changement puisque le Président de la République avait eu l’audace d’une ambition pour l’Europe durant sa campagne.

Elle a insisté sur le paradoxe Français à l’égard de l’Europe :  » Les Français aiment l’Europe mais craignent que l’Europe ne les aime pas « . Elle soutient une Europe qui protège les Européens (leurs intérêts, leurs valeurs) et qui ose assurer le leadership qui lui revient en qualité de première puissance économique mondiale.

Le changement de méthode avec des discussions préalables entre le Président de la République et la Chancelière permettant des positions communes pendant les négociations a été symbolisé par la conférence de presse commune d’Emmanuel Macron et Angela Merkel en fin de Conseil.

Plusieurs thèmes ont été abordés dans le cadre du Conseil européen des 22 et 23 juin 2017.

Je vous propose ci-dessous, pour chacun d’entre eux, quelques éléments de contexte et un point d’étape selon les réponses fournies par Mme la Ministre.

Premier thème abordé : Sécurité et défense

La lutte contre le terrorisme est une priorité commune et la discussion a porté sur le « Paquet » (les projets de textes) dit « frontières intelligentes » dont l’enjeu est en particulier de repérer les retours de Syrie et d’Irak.

La problématique d’Internet fait l’objet d’une initiative franco-anglaise afin d’améliorer les conditions de retrait des textes appelant à la haine ou au terrorisme. Elle n’écarte pas de nouvelles mesures législatives, sous réserve qu’elles soient coordonnées entre Européens.

Le Président de la République a posé la question de l’interopérabilité des différentes bases de données, interopérabilité difficile dans notre pays avec la CNIL avec peut-être le recours à la loi. C’est par exemple la situation du dernier auteur d’un acte terroriste sur les Champs-Élysées, qui avait la particularité d’être fiché S et de disposer pourtant d’une autorisation de détention d’armes, faute de pouvoir croiser les fichiers.

Un point important pour le futur est celui du chiffrement des services électroniques. Plusieurs plateformes numériques pratiquent le cryptage qui rend extrêmement difficile le travail des services de police pour repérer les transmissions d’individus suspects.

C’est un problème majeur en matière de lutte contre le terrorisme et aussi contre le grand banditisme : le Procureur de Paris Monsieur Moleins s’en plaint régulièrement. Autant la question du croisement des banques de données est un problème franco-européen, autant la question du cryptage du numérique est une problématique internationale.

Le sujet de la défense a connu une évolution importante à l’occasion de ce Conseil Européen avec le projet de créer un Fonds européen de défense qui pourrait être doté de 5,6 milliards d’euros par an.

Nous avons quelques outils militaires en commun mais modestes à l’exemple de l’Europacorp. C’est la première initiative forte de coopération en matière de défense, sachant que chaque pays veut rester maître de sa doctrine d’emploi.

Deuxième thème abordé : Emploi, croissance et activité

La priorité est à la constitution d’un marché unique du numérique pour permettre notamment l’émergence d’acteurs européens face aux acteurs américains.

Le Président de la République a insisté sur une réciprocité des échanges sur les marchés publics ainsi qu’en matière d’investissements dits stratégiques. C’est la question qui a été la plus vivement discutée.

Pour le Président de la République, l’Union Européenne, première puissance économique mondiale doit savoir défendre plus clairement ses intérêts.

Les discussions se poursuivent entre les 27 sur la modernisation des instruments de défense, sujet sur lequel j’ai rédigé un rapport il y a quelques mois (consultable ici), c’est-à-dire les moyens dont nous disposons pour faire face au dumping, en particulier le dumping chinois à l’exemple récent du marché de l’acier.

Troisième thème abordé : les migrations

La période récente a connu une réduction des flux même s’il reste les mouvements entre la Libye et l’Italie. D’une part, les accords du 18 mars 2016 avec la Turquie fonctionnent et ont fermé la voie des Balkans. D’autre part, l’organisme européen surveillant les frontières FRONTEX, dirigé par un français, a vu ses moyens tripler.

Il reste beaucoup à faire sur le contrôle extérieur des frontières et sur une harmonisation européenne du droit d’asile.

La priorité est clairement à une action renforcée vis-à-vis des pays origines ainsi que des pays de transit des migrants.

C’est tout le problème du retour à une forme de sécurité en Libye. C’est toute la question de notre intervention militaire dans le Sahel puisque c’est par là que transitent les migrations venant de l’Afrique de l’Ouest.

Quatrième thème abordé : les accords internationaux

Les 27 ont réaffirmé le caractère non négociable des accords de Paris en matière environnementale et ont demandé à la France et à l’Allemagne de présenter les résultats du processus de Minsk entre l’Ukraine et la Russie.

A été également présenté l’état de la discussion destinée à permettre la réunification de Chypre, sujet tellement ancien qu’il finit par être oublié .

Cinquième thème : les premiers travaux sur le Brexit

Les premiers travaux portent sur une symétrie entre la situation des Britanniques chez les 27 et la situation des résidents des 27 en Grande-Bretagne. La négociation se concentre dans une première étape sur cette question du statut réciproque des citoyens, sur les frontières d’Irlande et sur les conditions financières de traitement du départ de la Grande-Bretagne.

La ministre a été interrogée sur les questions de cyber-sécurité et sur le Brexit.

Mes questions à la Ministre sur le projet de fonds européen de défense

Je l’ai interrogée sur les questions de défense et en particulier sur la destination du fonds européen de défense évoqué plus haut, centré a priori sur les questions d’innovation technologique ou stratégique.

Je lui ai surtout demandé quel serait le financement, la réponse étant dans une contribution des États membres avec une participation de la BEI (banque européenne d’investissement) dont les modalités ne paraissent pas déterminées.

Autant je suis très favorable à ce fonds européen de défense, autant ma crainte est qu’il ne soit pas financé par des ressources nouvelles mais uniquement par du redéploiement. Dans la mesure où la moitié du budget européen est consommé par la PAC et 30 % par la politique de cohésion, tout redéploiement dans le domaine de la défense me paraît avoir immédiatement un impact sur les deux grandes politiques historiques de l’Europe.

Je reviendrai régulièrement sur cette question si l’on ne veut pas que ce fonds européen de défense demeure un vœu pieux.

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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