Jeudi 29 septembre, le Sénat a rejeté en 2ème lecture la proposition de loi « visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias« , l’Assemblée ayant délibérément fait le choix de s’éloigner des apports du Sénat, pourtant soutenus par les éditeurs de presse et un certain nombre d’instances représentatives des journalistes sur les points les plus saillants.
Le désaccord rapidement constaté en commission mixte paritaire, le 14 juin dernier, a confirmé ce « dialogue de sourds ».
Étant intervenu dans la discussion générale, je me suis associé à mes collègues pour soumettre à l’examen du Conseil Constitutionnel ce texte définitivement adopté par l’Assemblée le 6 octobre.
Comme je vous l’avais déjà indiqué au mois d’avril (ici), ce texte est une « fausse » proposition de loi. Il s’agit en réalité d’un texte d’origine gouvernementale qui peut être présenté comme une réaction « anti-Bolloré » à la suite des interventions de celui-ci dans la « vie » de Canal +.
Nous partageons tous la préoccupation de médias réellement indépendants et sommes tous attachés à la liberté de la presse.
Nous ne pouvons en revanche nous satisfaire des réponses portées par ce texte qui nie les réalités et oublie l’essentiel : la faiblesse structurelle de l’économie des médias en France !
La dette consolidée de l’Agence France Presse (71,6 millions d’euros pour un déficit qui devrait atteindre 8,3 millions d’euros en 2016), l’élargissement prochain à la presse numérique des taux réduits de TVA (comme en bénéficie aujourd’hui la presse écrite) ou encore la baisse constante et inquiétante de la diffusion de la presse écrite (1.000 diffuseurs ont « mis la clé sous la porte » en 2015) sont quelques exemples des vrais enjeux de la presse ! L’économie des médias me semble plus en danger que leur indépendance même si nous devons rester vigilants sur ce point.
Les principales mesures portées par ce texte, adoptées à la « va-vite » et sans réelle concertation avec les acteurs concernés, viennent en outre imposer de nouvelles contraintes au fonctionnement des rédactions de presse et des médias.
Parmi les points du texte auxquels le Sénat s’est le plus opposé figurent les mesures visant à :
- renforcer le régime de la protection du secret des sources des journalistes : l’objectif de « manifestation de la vérité » poursuivi par le journaliste pourra justifier dans une large mesure les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et la protection des personnes, ce qui nous promet beaucoup de joies d’interprétation ;
- généraliser le droit d’opposition permettant au journaliste (aujourd’hui réservée aux journalistes de l’audiovisuel public) de refuser un acte contraire à sa conviction professionnelle (signature d’un article, d’une tribune, d’une émission, etc.) en lien avec la Charte déontologique de l’entreprise qui devra être adoptée avant le 1er juillet 2017. Ce mécanisme, sera là aussi complexe à mettre en oeuvre ;
- considérer que le fait, pour un lanceur d’alerte, de détenir des documents provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée ne peut constituer le délit de recel lorsque ces documents contiennent des informations dont « la diffusion au public constitue un but légitime dans une société démocratique » ;
- renforcer de manière disproportionnée le pouvoir de contrôle préalable accordé au CSA sur l’information et les rédactions. Ce rôle de garant de « l’honnêteté, de l’indépendance et du pluralisme de l’information » attribué au CSA constitue à mes yeux une atteinte à la liberté de communication ;
Si vous le souhaitez, je vous invite à retrouver ici mon intervention en discussion générale.