Jeudi 13 octobre, je présentais à mes collègues de la commission des affaires européennes mon rapport sur les conditions de la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada (consultable ici), communément appelé « CETA » (pour Comprehensive Economic and Trade Agreement).
Ce rapport a pour objet de répondre aux interrogations suscitées par cet accord, en particulier :
– les modalités de sa ratification et de son entrée en vigueur provisoire, avec un focus sur le rôle attribué aux Parlements nationaux ;
– certains aspects du mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et États, qui favorise les arbitrages privés ;
– les impacts de l’ouverture des marchés sur le secteur de l’élevage et, plus généralement, sur le secteur agricole et les indications géographiques.
Éléments de calendrier
La « signature » de l’accord devait intervenir le 27 octobre à Bruxelles, en présence du Premier ministre canadien.
Mais la signature s’est heurtée au veto du Parlement wallon, quelques jours plus tôt. Ce veto a finalement été levé après l’obtention d’un consensus et de garanties (en particulier sur les importations agricoles et sur le dossier de la juridiction chargée de régler les contentieux commerciaux, sujets soulevés par plusieurs autres États), garanties qui figuraient en réalité déjà dans le projet de traité. Le problème de la Wallonie était de pure politique intérieure Belge et le CETA a été pris en otage… ce dont l’Europe n’avait vraiment pas besoin.
Reste que le Sommet UE-Canada a été annulé et est reporté à une date inconnue à ce jour.
Cette signature ouvrira deux nouvelles phases :
- la ratification par le Parlement européen, à la majorité simple, qui permettra une application provisoire de l’accord ;
Les États ont en effet déjà donné leurs accords, les 28 accords maintenant que la Belgique vient de l’exprimer. Notre gouvernement est très favorable à cet accord et, comme largement évoqué dans le rapport, je partage cette analyse.
- l’approbation de l’accord par chacun des parlements nationaux de l’UE. C’est seulement à l’issue de ce processus, qui s’étalera sur de nombreux mois et sous réserve de ratifications positives, qu’interviendrait la décision de conclusion finale de l’accord.
Le CETA : un accord commercial de « nouvelle génération »
Tout d’abord, le CETA est un accord commercial dit de « nouvelle génération ». Outre la réduction des droits de douane entre l’UE et le Canada, le traité vise une convergence de certaines normes pour limiter le nombre de « barrières non tarifaires » au commerce (réglementations, normes sanitaires, techniques, etc.). Ambition : réduire de 36 % à 3 % la part des exportations européennes soumises à de tels obstacles.
Que contient le CETA ?
Je ne peux bien entendu vous détailler ici les plus de 2.000 pages que représente le projet d’accord.
Le CETA contient différentes mesures relatives aux droits de douane, à l’agriculture, aux marchés publics, aux indications géographiques, aux brevets, aux services publics, à la convergence des normes, aux services financiers, à l’environnement, aux tribunaux d’arbitrage, à la coopération réglementaire et à la mobilité professionnelle.
En matière agricole, le Canada a par exemple accepté l’importation d’un quota de 17 700 tonnes de fromages par an, exempts de droits de douane et de 800 tonnes de fromages à droit quasiment nul, alors que ces produits font aujourd’hui l’objet de droits de douane très élevés.
La reconnaissance des indications géographiques par le Canada, pays immergé dans la culture des marques est un autre point de satisfaction : 142 IG européennes, dont 42 françaises – en plus des vins et spiritueux qui avaient déjà fait l’objet d’un accord en 2003 – sont ainsi reconnues et protégées ; Le souhait formulé par plusieurs de mes collègues de prendre en compte la totalité des IG françaises n’apparaît pas pertinent : tous les produits français sous IG ne sont pas exportés vers le Canada et les IG françaises protégées dans l’accord ont été sélectionnées pour leur degré d’exposition à des risques d’usurpation.
Retrouvez ci-dessous mes questions adressées à Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, lors de son audition au Sénat.