Que reste-t-il de la loi « Travail » ?

Mardi 19 juillet 2016, le Sénat a rejeté en nouvelle lecture le projet de loi « Travail », en adoptant une motion de rejet préalable, par 187 voix pour et 154 voix contre.

Tout au long de la navette parlementaire, le Sénat est la seule chambre à avoir examiné, durant près de 80 heures, ce texte en séance publique. La raison : le gouvernement ne peut pas y faire usage de l’article « 49-3 » de la Constitution, finalement utilisé à trois reprises à l’Assemblée nationale, qui a définitivement adopté ce projet de loi jeudi 21 juillet.

En résumé, il aurait été vain d’examiner et modifier à nouveau un texte que le gouvernement souhaitait quoi qu’il en coûte adopter selon ses idées et avant l’été, comme je vous en avais fait part le mois dernier.

Finalement, ce texte ne satisfait ni ses détracteurs ni ses partisans. Or, sa promulgation prochaine changera considérablement de nombreux aspects de la vie en entreprise.

L’inaptitude de notre pays à trouver des accords pour se réformer est accablante.

Mais que reste-t-il de ce projet de loi ?

Pour l’essentiel, le gouvernement a oeuvré à conserver les mesures-phares initiales, à savoir :

le maintien du fameux « article 2 », qui introduit la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche en matière d’organisation du temps de travail (seuil hebdomadaire de référence, congés, heures supplémentaires, …). Les accords professionnels de branche continueront à s’appliquer en l’absence d’accord d’entreprise.

Le gouvernement a néanmoins concédé aux branches professionnelles la prééminence sur 2 nouveaux sujets : la prévention de la pénibilité et l’égalité professionnelle femmes-hommes.

l’extension des accords « majoritaires ». Cela signifie que, pour être valable, un accord d’entreprise devra être signé par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés aux élections professionnelles (contre 30% aujourd’hui). Faute de majorité, les syndicats minoritaires représentant au moins 30 % des salariés pourront demander un référendum au sein de l’entreprise afin de faire valider ce même accord.

– la possibilité de conclure, par accord majoritaire au niveau de l’entreprise, des accords « offensifs » (pendants des accords « défensifs » de sauvegarde de l’emploi créés en 2013) qui permettront de déroger, pour une période définie (5 ans à défaut de stipulation), aux clauses du contrat de travail (durée de travail, RTT, congés, heures supplémentaires, …), à l’exception de la rémunération mensuelle hors primes.

Destinés à « assurer la compétitivité des entreprises » afin de gagner des parts de marché, ces accords pourront être signés par les représentants syndicaux (plutôt rares aujourd’hui dans les entreprises de moins de 50 salariés) ou, à défaut, par des représentants élus mandatés par les syndicats.

Les salariés refusant ces accords s’exposeront à un licenciement pour « motif spécifique » sans bénéficier de mesures de reclassement, seulement d’un « parcours d’accompagnement personnalisé », assuré par Pôle Emploi et financé pour l’essentiel par l’Etat.

Le Sénat avait introduit au texte une clause de « retour à meilleure fortune » au bénéfice des salariés, retirée à l’Assemblée.

– l’introduction de nouveaux critères justifiant un licenciement économique dès lors que l’entreprise enregistre, en comparaison avec l’année précédente, une « baisse significative de son chiffre d’affaires ou de son carnet de commandes » de : 1 trimestre au moins, si elle emploie moins de 11 salariés; 2 trimestres consécutifs, si elle emploie de 11 à 49 salariés; 3 trimestres consécutifs, si elle emploie de 50 à 299 salariés; 4 trimestres consécutifs, si elle emploie plus au moins 250 salariés.

Les employeurs pourront également évoquer « des pertes d’exploitation, une dégradation de la trésorerie » ou « tout autre élément de nature à justifier ces difficultés »

Quelques « garde-fous » existent : maintien des règles relatives aux plans sociaux (déclenchés à compter d’un certain nombre de licenciements économiques sur une période donnée) et mesures contre les difficultés économiques créées artificiellement.

– la généralisation, à partir de 2017, de la « garantie jeunes », dispositif expérimental destiné à offrir aux jeunes de 16 à 25 ans en situation de « grande vulnérabilité sur le marché du travail » un accompagnement renforcé vers l’emploi et une allocation mensuelle de 461 euros pendant un an.

– la création du compte personnel d’activité (CPA), qui regroupera 3 comptes : le compte personnel de formation (le CPF, existant), le compte personnel de pénibilité professionnelle (le « C3P3, existant) puis le compte d’engagement citoyen (nouveau compte visant à recenser les activités bénévoles et volontaires, traduites en VEA et crédits formation) ; Ce compte sera finalement ouvert aux personnes retraitées.

l’augmentation de 20% des heures de délégation syndicale. Ce qui donnera en pratique un passage de 10 à 12 heures par mois dans les entreprises de 50 à 150 salariés, de 15 à 18 heures dans celles de 151 à 499 salariés et de 20 à 24 heures pour celles de plus de 500 salariés.

– en matière de médecine du travail, la suppression de la visite médicale systématique à l’embauche, sauf pour les poste à risques.

– en matière de travailleurs détachés, renforcement des obligations des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre en cas de recours à des prestataires établis à l’étranger.

En revanche, ne figure plus à la loi qui sera promulguée une mesure-phare initiale :

– le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement « abusif », devant permettre aux employeurs d’anticiper le montant des indemnités qu’ils devraient verser. Seul un barème indicatif tenant notamment compte de l’ancienneté du salarié sera utilisé par les conseillers prud’homaux.

Retrouvez ici le dossier législatif sur le site du Sénat

 

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