Jeudi 21 juillet 2016, le Sénat (315 voix contre 26) et l’Assemblée nationale ont définitivement adopté le projet de loi prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 26 janvier 2017.
Au terme de cette troisième prorogation, la France aura donc vécu plus de 14 mois sous ce régime d’exception. Nous devons prêter attention à ne pas habituer notre pays à vivre sous un régime par essence temporaire.
La précédente prorogation de l’état d’urgence, dont le terme était fixé au 26 juillet, avait été votée en dépit de nombreuses réticences initiales en raison de trois arguments principaux :
– la nécessité d’assurer la sécurité des 2 grands évènements sportifs estivaux organisés sur le territoire : l’Euro 2016 de football (10 juin au 10 juillet) et le Tour de France (2 au 24 juillet) ;
– le gouvernement avait proposé un état d’urgence d’une durée moindre (2 moins contre 3 auparavant) et « allégé », en particulier sans perquisitions administratives, alors considérées par le ministre de l’Intérieur comme n’ayant plus grand effet ;
– l’arsenal législatif (déjà évoqué avec vous) dotant de nouveaux moyens les services policiers, de renseignement et judiciaires n’était pas intégralement entré en vigueur (en particulier la loi « renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale », en vigueur depuis le 3 juin 2016).
Nous devions donc sortir « sans difficulté » du régime d’exception administrative qu’est l’état d’urgence, l’État ayant désormais en vertu du droit commun les moyens de lutter contre la menace terroriste.
Mais, à 12 jours de la levée initiale de l’état d’urgence, l’attentat de Nice a transformé dramatiquement la situation.
À la différence de la précédente prolongation, celle-ci :
– porte l’état d’urgence à 6 mois (contre 3 mois, 3 mois et 2 mois) ; Il me semble essentiel que nous soyons sortis de l’état d’urgence au début de la campagne des élections présidentielles ;
– autorise à nouveau les perquisitions administratives ;
– réintroduit la possibilité de saisir et d’exploiter (par copie ou saisie du matériel) les données des appareils informatiques et de communication découverts sur le lieu de la perquisition (le gouvernement ayant cette fois-ci pris soin d’introduire les bases légales qui faisaient défaut et avaient conduit le Conseil constitutionnel à censurer ces mesures) ;
– crée un droit de suite : si une perquisition administrative révèle l’existence d’un autre lieu fréquenté par la personne visée, un droit de suite permettra aux autorités de le perquisitionner « dans la foulée » ;
Le Sénat et l’Assemblée ont introduit au projet de loi une quinzaine de mesures visant à :
– interdire les cortèges, défilés et rassemblements dont l’autorité administrative n’est pas en mesure d’assurer la sécurité ;
– fermer les lieux de culte où sont tenus des propos incitant à la haine et à la violence ;
– recruter dans les réserves militaires, de sécurité civile, sanitaire ou de la police nationale ;
– permettre aux préfets de faire procéder à des contrôles d’identité, à des visites de véhicules, à l’inspection visuelle des bagages et à leur fouille ;
– porter d’1 à 3 mois la durée maximale d’assignation à résidence ;
– allonger la durée de détention provisoire pour les mineurs mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ;
– augmenter les peines encourues pour les infractions criminelles d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ;
– rendre automatique la peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour les étrangers condamnés pour terrorisme ;
– créer un régime plus rigoureux d’application des peines pour les personnes condamnées pour terrorisme : exclusion du bénéfice des crédits de réduction de peine, de la suspension et du fractionnement des peines, du placement à l’extérieur et de la semi-liberté ;
Les mesures contenues dans cette nouvelle loi de prorogation de l’état d’urgence sont entrées en vigueur ce vendredi 22 juillet.
Retrouvez ici le dossier législatif sur le site du Sénat