Comme vous le savez, les électeurs britanniques étaient appelés, jeudi 23 juin, à se prononcer par référendum sur une question fondamentale : sortir ou non de l’Union européenne, dont le Royaume-Uni est membre depuis 1973. Son adhésion avait été approuvée par le peuple britannique lors d’un référendum du 6 juin 1975.
Au terme d’une forte mobilisation (72,2%), c’est finalement le camp du « Leave » qui l’a emporté, avec 51,9% des voix.
Ce résultat ouvre une période d’incertitudes politiques et économiques pour l’Europe. Aujourd’hui, personne ne sait quand et sous quelles modalités s’opérera le « divorce », le « bras de fer » à venir entre l’UE et le Royaume-Uni.
Seule certitude, les dirigeants européen souhaitent conclure rapidement la sortie du Royaume-Uni, craignant par dessus tout un « effet domino », tandis que les Britanniques entendent ne pas se faire dicter un calendrier.L’absence de préparation des tenants du « Brexit » aux conséquences de leur propre vote est un élément qui défie le bon sens.
L’article 50 du Traité de Lisbonne a prévu le cas de sortie d’un État-membre : il revient au Royaume-Uni de négocier avec l’UE, durant une période de 2 ans, un « traité de sortie » de l’Union.
Le texte est clair:
« Article 50
1 Tout Etat membre peut décider , conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union.
2 L’Etat membre qui décide de se retirer notifié son intention au Conseil européen .A la lumière des orientations du Conseil européen , l’Union négocie et conclut avec cet Etat un accord fixant les modalités de son retrait , en tenant compte de ses relations futures avec l’Union……
3 Les traités cessent d’être applicables à l’Etat concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut , deux ans après la notification…. »
Une fois sorti de l’UE, le Royaume-Uni devra trouver un nouvel accord sur ses relations avec l’UE et choisir entre 4 types de « modèles » :
- l’espace économique européen (EEE – comme la Norvège, l’Islande ou le Liechtenstein)
- accords bilatéraux (sur le modèle de la Suisse)
- l’union douanière (sur le modèle des accords avec la Turquie)
- le régime de l’OMC (Organisation mondiale du commerce)
Les trois premiers modèles comprennent des mesures auxquelles sont majoritairement opposés les Britanniques : contribution au budget de l’Union, reprise de sa législation, acceptation de la liberté de circulation des personnes, limites aux possibilités d’exportation de services financiers, …
Quant au dernier, le « régime de l’OMC », il contribuerait à freiner les exportations de biens et services sur le marché européen (qui représente pour le Royaume-Uni près de 50% de ses exportations et de ses importations).
À court terme, le RU va devoir affronter plusieurs défis : redéfinir les législations internes dans les nombreux secteurs où s’applique la législation européenne, renégocier des accords commerciaux avec les 55 pays engagés avec l’UE, puis juguler les risques d’une crise politique au Parlement et vis-à-vis des nations constitutives (en particulier l’Écosse, qui a majoritairement voté contre la sortie de l’UE).
Le Royaume-Uni : un statut particulier au sein de l’UE
Dans un pays à la longue tradition parlementaire, le glissement progressif du centre de gravité politique vers Bruxelles a exacerbé le sentiment Britannique d’être dépossédés de leur souveraineté. La crise monétaire, mondiale, de 2009 a accentué ce sentiment, en renforçant le rôle de l’Eurogroupe et de la BCE, au détriment des Etats non membres de la zone euro, dont le Royaume-Uni.
Ceci étant le poids de l’histoire, 40 années de dénigrement de l’Europe et pour couronner le tout des calculs de politique intérieure n’auront pas peu fait aux côtés des faiblesses de l’Europe pour aboutir à ce vote.
S’il figure parmi les « moteurs économiques » de l’UE, le Royaume-Uni s’est toujours clairement tenu à l’écart de la gouvernance économique de l’UE : il n’est pas membre de la zone euro et a conservé sa monnaie, sa politique monétaire et de change ainsi qu’une supervision bancaire autonome. Il n’a pas participé au « sauvetage » financier des pays européens confrontés à la crise de la dette et bénéficie d’une « remise permanente » sur sa contribution au budget de l’Union.
Plus généralement, le Royaume-Uni n’est pas membre de l’espace Schengen et ne participe pas à l’ensemble des politiques européennes grâce à de nombreuses clauses dites d’ output.
En revanche, il participe pleinement au marché unique, à la politique commerciale de l’UE ainsi qu’a sa politique extérieure et d’aide au développement.
Quelles conséquences pour l’Europe ?
Pour l’UE, la sortie du Royaume-Uni portera diverses conséquences.
Sur le plan politique, le coup porté au « projet européen » est évident et vient rappeler que la construction européenne ne va pas de soi, que des divergences d’intérêts peuvent mener à une décision si « extrême ». En tant que tel, deux options s’offrent aux dirigeants européens : pause dans la construction européenne ou, au contraire, renforcement de l’intégration communautaire ?
Je ne crois ni l’une ni l’autre gérable et la solution sera probablement un chemin entre les deux.
Autre considération politique, le risque évident de récupération de cette décision Britannique par les nationalistes en tout genre, qui nourrissent leur projet politique d’un rejet profond de l’Union européenne, affublée de tous les maux ….des États-membres.
Sur le plan économique, rappelons simplement que le Royaume-Uni , cinquième puissance économique mondiale juste devant notre pays, représente à lui seul 13% de la population et environ 15% du PIB européens.
A la question le « Brexit « : quelles conséquences économiques et budgétaires pour l’Europe et/ou la France ?, je vous invite à la lecture du rapport que vient juste d’achever mon collègue rapporteur du budget du Sénat, accessible en cliquant ici.
Même si tout n’est pas maîtrisé à l’heure actuelle , il y aura un impact négatif pour tous qui reste surmontable.
Sur le plan diplomatique, l’UE et plus particulièrement la France , qui est aujourd’hui la seule à disposer en Europe d’une armée crédible , perdent avec le Royaume-Uni un partenaire militaire important en matière de défense et de sécurité. Dans la pratique le Royaume-Uni avait toujours maintenu sa stricte souveraineté militaire répugnant même parfois à des entraînements communs. Il est probable qu’il veillera en sens inverse non seulement à sa participation à l’OTAN mais aussi à des accords techniques ou opérationnels avec la France.