La place de l’Islam dans notre pays est peut être, sans excès, notre sujet le plus difficile mettant en exergue des failles sociales ou historiques. Nous ne pouvons continuer une politique de » l’autruche « .
Le travail réalisé avec mes collègues (auditions, visites, lectures, …) approche de ses conclusions et je pourrai vous communiquer le mois prochain les préconisations de notre mission d’information.
D’ores-et-déjà, mon premier regard est qu’il faut sortir des idées reçues.
L’Islam de France n’est plus un Islam « des caves ». Notre pays comprend 2500 mosquées et environ 300 pour l’outre-mer. La question du nombre de mosquées n’est donc plus le problème essentiel des musulmans. Ce nombre est à comparer à 3000 temples, 280 synagogues et 45 000 églises.
Les musulmans de France ont une seule représentation : le Conseil Français des Cultes Musulmans dit CFCM. Son autorité a été faible jusqu’à ce jour.
Le mode électoral est un vote exprimé par chaque association représentative d’une mosquée, le poids électoral étant calculé proportionnellement à la superficie des mosquées !
Ceci a conduit à une surenchère des pays étrangers pour « maîtriser » le CFCM et en amont le processus électoral dans les mosquées.
Une partie des musulmans de France se reconnait dans l’UMF (sous influence du Maroc à travers le ministère des habous ), une autre dans la grande mosquée de Paris c’est à dire l’Algerie (son recteur a rang de diplomate Algérien), d’autres se réclament du Milligörüs (Turquie, proche de l’AKP du Président Erdogan) ou encore du Diyanet (État Turc toujours). Une seule organisation de musulmans en France n’est pas soumise à l’influence d’un pays : l’UOIF. Mais l’UOIF est très proche des Frères musulmans.
L’Islam n’a pas de clergé ou de hiérarchie religieuse. C’est une « religion du Livre » mais aussi une religion de la parole dans laquelle l’interprétation est essentielle.
Le CFCM n’a pas d’autorité religieuse au sens théologique. Il vient de tenter de se doter d’un conseil théologique, évolution importante puisqu’il n’existe à l’heure actuelle aucune autorité théologique française du culte musulman.
Le Maroc et l’Algérie envoient un certain nombre d’Imams formés par eux dans les mosquées Françaises. En majorité, ces Imams ne parlent pas Français.
Le pays qui finance le plus de postes d’Imams en France n’est ni le Maroc, ni l’Algérie mais la Turquie, avec 151 Imams actuellement financés par l’État Turc.
La communauté Turque, dominante dans l’Est de la France, est extrêmement autonome des autres communautés musulmanes de France.
Chacun connait l’opposition entre sunnites et chiites. Le sunnisme est lui-même réparti en 4 écoles ou doctrines dont la légitimité est considérée comme équivalente : l’école Hanafite, l’école Malekite, l’école Shàfi’ite, l’école Hanbalite à laquelle certains associent mais d’autres non le Wahhabisme. Les musulmans originaires du Maghreb sont généralement considérés comme appartenant à l’école Malekite.
La République Française ne reconnait aucun culte mais garantit le libre exercice des cultes. Ce n’est pas la pratique religieuse qui pose problème, c’est sa mauvaise compréhension, le djihadiste en étant malheureusement l’exemple le plus dramatique.
L’Islam, religion jeune en France, n’a pas été pris en compte dans la loi de 1905 et toute comparaison avec le Consistoire qui remonte à l’Empire pour la religion juive ou avec le concordat d’Alsace – Moselle serait dénuée de sens.
En France, il n’existe que deux formations d’Imans assez modestes, l’une sous l’égide de l’UOIF et l’autre sous l’égide de la grande mosquée de Paris. En réalité, au-delà des Imans venant du Maroc, d’Algérie ou de Turquie, la très grande majorité des Imams en France ont bénéficié d’une sorte de reconnaissance par les fidèles mais n’ont pas de formation théologique particulière. L’absence de toute structure hiérarchique au sein de l’Islam n’autorise ni nomination, ni agrément, ni forme de contrôle des connaissances théologiques ou de l’aptitude à prêcher …
La formation est un champ complètement à construire avec une expérience intéressante au niveau de l’institut catholique de Paris et de la faculté de Strasbourg.
L’Allemagne forme les représentants des cultes dans les universités publiques et a lancé pour une période de 5 ans une expérimentation avec la création de 5 instituts de théologie Islamique ouverts à l’initiative de l’État fédéral et financés par lui.
L’Autriche s’est attachée quant à elle non pas à interdire les financements depuis l’étranger mais à assurer leur transparence en rendant obligatoire le transit par une fondation.
La France avait créé une fondation qui dispose toujours d’un million d’euros mais qui n’a jamais fonctionné.
Le « Hallal » est une forme de trou noir économique relevant de normes très diverses et largement commerciales. L’État Français a fait en sorte que cela soit le plus compliqué possible puisqu’il a délégué la désignation des certificateurs Hallal à 3 mosquées : à la grande mosquée de Paris et donc à l’Algérie, à la grande mosquée d’Evry et donc au Maroc, et enfin à la grande mosquée de Lyon dont j’avoue ignorer le ou les pays exerçant une influence.
À l’issue de multiples lectures et auditions, j’ai acquis de modestes convictions : l’État Français n’a pas le droit d’intervenir dans la gestion de la religion musulmane pas plus que des autres religions. Il n’en a surtout pas intérêt, toute immixtion entrainant polémiques, débats et victimisations.
La logique que je suggère est inverse, à savoir de responsabiliser les musulmans de France pour qu’ils assurent eux-mêmes leur régulation dans un cadre Franco-Français, de leur proposer un contrat de résultat.
Afin d’être transparent à votre égard, je joins ci-dessous la contribution écrite que j’ai adressé à mes collègues au début du mois de mai avant nos 2 réunions de synthèse du mois de juin et la rédaction définitive du rapport.
Laisser un commentaire